" Du bressan, il a l'allure massive et la tête carrée qui disent l'obstination de la race et le besoin d'intériorité ". Tels sont les mots employés par l'abbé Jacques Paul-Dubreuil pour définir son ami Emile Bocquillod. Erudit aux multiples facettes et historien incontournable du département de l'Ain, Emile Bocquillod a cumulé tour à tour les étiquettes de photographe, illustrateur, journaliste, écrivain, chercheur, conférencier, amateur d'art, défenseur du patrimoine. Autant d'activités qui lui ont valu la reconnaissance de ses homologues comme du grand public.
Emile Bocquillod voit le jour en 1922 à Beaupont. Ses origines familiales ont pris racine dans les terres de Bresse et de Franche-Comté, entre Marboz, Domsure, Coligny et Saint-Amour. Ecolier à Coligny, il se retrouve à onze ans au pensionnat de l'école Saint-Nicolas de Bourg-en-Bresse, puis au petit séminaire de Meximieux et au grand séminaire de Belley. Cette scolarité réussie aboutit non seulement à l'obtention du baccalauréat en 1942, mais aussi à la découverte d'une passion sans borne pour l'histoire. Au travers des livres d'abord, avec la rencontre, entre autres, de la Galerie du département de l'Ain de C.J. Dufay ; au travers des hommes ensuite, notamment avec l'abbé Chevallier, historien et archiviste, qui fut l'un des premiers à lui transmettre cette passion.
Recruté dans un premier temps dans les chantiers de jeunesse, Emile Bocquillod doit se soumettre au service du travail obligatoire avec plusieurs de ses camarades séminaristes. Il est envoyé dans une usine à Schkopau, près de Leipzig, puis se trouve expulsé du territoire allemand en 1944, jugé comme indésirable. Il rejoint le maquis et la Première Armée française mais contracte en janvier 1945 une maladie qui le rend incapable de servir. C'est en 1946 qu'il commence à fréquenter la bibliothèque municipale de Bourg et à produire des articles pour la Société d'émulation de l'Ain et la Société des naturalistes et archéologues de l'Ain, avant de participer au comité de rédaction de Visages de l'Ain dont le premier bulletin paraît en 1948.
Sur le plan professionnel, Emile Bocquillod connait des débuts difficiles en se mettant à son compte en 1949, à Coligny. En 1955, son commerce de photographie, papeterie, vins et liqueurs est définitivement radié du registre du commerce. C'est alors qu'il entre vers 1957 comme opérateur-photographe à la maison Combier de Mâcon. Durant une dizaine d'années, il va ainsi parcourir la France et prendre des milliers de clichés pour la réalisation de cartes postales. Embauché un temps par l'imprimerie de Trévoux, où il apprend la photogravure, il rejoint l'équipe de la Voix de l'Ain en 1971. Durant les premières années, son emploi consiste à la réalisation des photographies et d'illustrations en tant que photograveur. Puis, en 1974, il reçoit sa carte de presse et devient journaliste. C'est à partir de cette année qu'on lui doit les dernières du journal qui ont fait sa réputation. Au travers de centaines d'articles publiés sur près de 20 ans, Emile Bocquillod fait partager son érudition avec un souci constant de vulgarisation, rendant ainsi accessible au plus grand nombre le goût de l'histoire et du patrimoine. Malgré son départ en retraite en 1987, ses articles continuent à être publiés jusqu'en 1992. Au regard du volume et de la qualité de ces écrits, la Voix de l'Ain décide de les compiler entre 1994 et 1995 dans deux ouvrages, (Portraits de l'Ain et Villages de l'Ain), devenus aujourd'hui incontournables pour tout historien local.
En parallèle à cette activité, Emile Bocquillod multiplie les rencontres et les projets. Dès 1968, il publie un ouvrage pour le moins original sur les Montréal de France, résultant de différentes recherches sur les liens tissés entre la France et le Canada. Lors de ses premières lectures, Emile Bocquillod eut une attention particulière pour François Piquet, natif de Verjon, devenu missionnaire au Canada sous Louis XV et fondateur de la ville d'Ogdensburg aux Etats-Unis. De cette première rencontre, le journaliste se lança dans de nombreuses recherches, dans les dépôts d'archives français, mais aussi auprès des autorités canadiennes. L'ouvrage des Montréal de France fut la base de la création d'une association portant le même nom, qui chercha a amplifier les relations franco-canadiennes amorcées par l'auteur. L'événement le plus marquant de cette association fut un voyage organisé en 1979, où 237 Français, dont Emile Bocquillod, se rendirent à Montréal dans le cadre d'échanges bilatéraux et de célébrations en l'honneur de François Piquet.
A l'échelon local, il serait très difficile de quantifier toutes les initiatives où Emile Bocquillod s'est impliqué. Même jusqu'à un âge avancé, il participa activement à plusieurs projets à vocation historique, notamment à celui de la rédaction du pré-inventaire du canton de Coligny où il joua un rôle essentiel.
Comme souvent chez les artistes ou les grands auteurs, Emile Bocquillod, aveuglé par la passion, s'inscrivit comme un homme en marge du monde, un peu décalé par rapport à la société dans laquelle il vivait. En 1987, au moment de son départ de La Voix de l'Ain, Emile Bocquillod se définissait de la sorte : " Habitué au silence et à la solitude, je n'ai pas le contact humain très facile, j'ai horreur de la foule et des assemblées générales, la politique et les politiciens ne m'attirent pas spécialement, les mondanités me fatiguent ". De cette fatigue naquit une véritable usure que l'homme subit quotidiennement dans son appartement de la rue Charles Robin, au milieu de ses livres et de ses photographies. Le cambriolage de sa bibliothèque fut le dernier traumatisme dont il ne put se remettre. Emile Bocquillod termina sa vie à la maison de retraite de Seillon-Repos. Ses funérailles furent célébrés à la chapelle des Vennes le 17 février 2005.