Les archives des organismes du temps de guerre, produites dans un contexte historique et administratif particulier, ont suscité bon nombre d'interrogations en matière de classement. On doit au législateur de s'être soucié assez tôt du sort de ces documents, entraînant toutefois une longue réflexion sur la nécessaire adaptation du cadre de classement des archives départementales, défini en 1841. En 1919 et 1928, la direction des Archives de France lança deux enquêtes nationales auprès des archivistes départementaux afin de quantifier et étudier les documents versés dans les dépôts. A partir de ces travaux s'ouvre alors un débat entre deux choix de classement, à savoir : soit la répartition des archives dans les séries modernes correspondant aux compétences de l'organisme, soit leur maintien en un seul ensemble au sein d'une série organique, en l'occurrence la série M. En 1937, une sous-commission est nommée, sous la présidence d'Emile Dacier, inspecteur général des archives, dont le rapport élaboré en 1939 aboutit à la circulaire du secrétaire d'Etat à l'Education nationale du 18 juillet 1941. Ce texte constitue alors la base de travail des archivistes pour « l'organisation des papiers des services de la guerre 1914-1918 ». A l'exemple du cadre de classement des archives communales (règlement du 31 décembre 1926), qui prévoit dans sa série H une subdivision pour les « mesures d'exception et faits de guerre », l'instruction préconise le groupement de ces papiers dans une subdivision analogue, au sein de la série R. La circulaire AD 98-8 du 18 décembre 1998 sur le cadre de classement des archives départementales, s'appuyant sur des extraits du texte de 1941, confirme leur maintien en un seul ensemble et désigne leur emplacement définitif dans la sous-série 10 R.
Les registres d'entrée des Archives départementales de l'Ain donnent peu d'indices sur les dates de versements, probablement dans les années 1920-1930. Ils nous révèlent cependant les incertitudes des archivistes de l'époque sur la destination finale des documents, les intégrant soit dans la série M, soit dans la série R (y compris pour des archives relevant d'un même service). Après identification des liasses susceptibles de rejoindre la sous-série 10 R, les regroupements opérés permettent désormais de distinguer, comme le préconisent les textes de 1941 et 1998, deux grands ensembles de documents. D'une part, ceux issus de services qui « fonctionnant régulièrement en temps de paix, continuent leur activité pendant les hostilités » sont conservés dans les diverses séries du cadre de classement des archives départementales. D'autre part, les archives des « services créés à titre temporaire durant la guerre » composent, quant à eux, la sous-série 10 R. Concernant l'Ain, ce dernier ensemble comprend également les papiers produits dans le cadre de procédures dévolues à des organismes temporaires organisés à l'échelle nationale mais ne disposant pas d'un service structuré dans le département.
Les archives de l'Ain conservent aussi dans cette sous-série les papiers relatifs aux œuvres de guerre. Ils se distinguent des autres, car, bien que conservés au sein d'un fonds public, ils relèvent du statut des archives privées. Il est vrai que le contexte de production peut prêter à confusion, en raison notamment de la forte implication des services de l'Etat dans ce domaine. Le comité de secours des prisonniers de guerre de l'Ain, par exemple, est présidé par le préfet, abrité au sein de l'hôtel de préfecture et géré par deux fonctionnaires. Toutefois, le cadre réglementaire défini par la loi du 30 mai 1916 sur le contrôle des œuvres de guerre ne confère aucun statut public à ce type de groupement. La circulaire du 18 juillet 1941, reconnaissant au préalable comme « institutions privées » les comités de secours ou de souscription, encourage le rattachement de ces archives à celles des services de la guerre 1914-1918. Par contre, la circulaire AD 98-8 du 18 décembre 1998, sur le cadre de classement des archives départementales, préconise de revenir sur ce choix et d'intégrer les archives des œuvres de guerre dans la série J (fonds privés). Ici, il n'a pas semblé nécessaire de revenir sur les dispositions de 1941, privilégiant ainsi un certain usage au sein des centres d'Archives départementales, à l'exemple des travaux menés dans la Loire et dans les Vosges ayant reçu le visa des Archives de France.
En matière de traitement, les textes réglementaires favorisent le respect du classement établi par le service qui constitué le fonds d'archives, tout en reconnaissant pour cette période les nombreuses difficultés causées par la diversité des méthodes de travail au sein des services (voir par exemple les observations générales de l'instruction du 18 juillet 1941). Concernant le département de l'Ain, l'état initial des liasses laissait effectivement apparaître de multiples incohérences, laissant à la disposition du chercheur une masse de documents en majorité désordonnés, englobant pêle-mêle les archives de différents producteurs. Ce constat s'explique d'abord par le contexte de production où les agents de l'époque, avec une expérience limitée sur le suivi des procédures et travaillant au sein de services nouveaux, n'eurent ni le recul nécessaire, ni le loisir de se pencher sur la question du classement. Le manque ou la mauvaise qualité du matériel de bureau (réutilisation fréquente d'imprimés vierges ou de papier souple pour la constitution de dossiers) n'ont pas permis aux liasses les plus fragiles d'affronter le poids du temps. Les mouvements d'archives, à l'intérieur de l'hôtel de préfecture, à partir des sièges des organismes, ou à l'intérieur des Archives départementales (entre les séries M et R), ont également contribué à ce constat de désorganisation.
La perspective d'améliorer les conditions de conservation et de communication au public a donc impliqué une reprise globale de cet ensemble, pièce à pièce ou par groupe de pièces, démembrant de fait les liasses constituées au moment des versements. Cette opération s'avérait également nécessaire afin de reconstituer les différents fonds permettant d'élaborer un plan de classement répondant aux critères archivistiques actuels.
Afin de respecter au mieux l'intégrité des fonds, le plan de classement retenu pour cette sous-série propose d'opérer une distinction entre les différents organismes, considérés ici comme des producteurs à part entière et dont l'appellation est utilisée pour définir les subdivisions. Dans le cas des œuvres de guerre, des opérations de ravitaillement ou de l'instruction des sursis, impliquant, soit dans le temps, soit dans le fonctionnement, plusieurs organismes, des regroupements ont été faits en fonction des domaines de compétence. Il en est de même pour la rubrique « Autres organismes » qui ici traduit uniquement un regroupement pratique pour le rassemblement des organismes dont les archives ne dépassent pas trois articles. Toutefois, la réunion de tels documents n'a pas dispensé de l'identification précise des producteurs.
Malgré la diversité des domaines abordés, les papiers conservés dans cette sous-série appartiennent tous à un cadre administratif strict, défini par une réglementation imposée aux organes d'exécution locaux. Sur le fond, ces cadres offrent peu de variations et permettent un agencement bien connu des archivistes comme des chercheurs, d'où l'intérêt de les utiliser comme trame pour le classement interne de chaque organisme. L'articulation des dossiers répond donc ici à un certain usage en matière d'archives administratives.
Un premier ensemble correspond aux documents d'administration générale, c'est-à-dire ceux qui couvrent les domaines de la réglementation, de l'organisation des services, des actes des assemblées délibérantes, de la gestion du personnel et de l'installation matérielle. En fonction des organismes, deux types de productions figurent également à ce niveau. Ce sont d'abord les travaux de synthèse (lorsqu'ils ne s'inscrivent pas dans le cadre d'une attribution réglementée) ou la documentation pouvant apporter un éclairage sur l'organisation des services ou la bonne compréhension du contexte historique. Certaines correspondances, classées par affaires ou de manière chronologique, sont également rattachées à cette partie mais restent limitées aux seuls documents traités directement par les organes de direction.
Le second ensemble correspond à la déclinaison des activités de l'organisme. Dans la mesure du possible, le classement proposé à ce niveau tente d'établir un lien entre les attributions définies par les dispositions législatives et les archives arrivées jusqu'à nous. La place des dossiers a été déterminée en fonction de l'importance des activités qu'ils représentent, respectant au mieux l'ordre allant du général au particulier. L'ordre chronologique apparaît comme un second niveau de classement.
Cette partie comprend également deux choix de classement, à savoir le rassemblement de pièces en affaires communales ou en dossiers nominatifs. Pour les premières, il a paru opportun d'entreprendre cette démarche afin de faciliter la recherche à l'échelon local tout en mettant en avant cette production abondante, traduisant à plus d'un titre le contexte particulier de l'époque et l'état d'esprit des populations. Pour les secondes, le choix a été guidé par la possibilité d'ouvrir de nouvelles pistes aux généalogistes, dont les recherches sur cette période ne sont pas toujours faciles (l'ensemble des pièces nominatives a été répertorié dans un index annexé au présent répertoire). L'essentiel des pièces nominatives étant rattaché à des civils, il semblait aussi intéressant de sortir ces quelques personnes de l'anonymat qui, bien que n'apparaissant ni sur les monuments aux morts, ni sur les diplômes de médaillés, méritent peut-être l'attention de l'historien. La constitution de ces dossiers, totalement artificielle, a fait l'objet d'un travail d'analyse détaillée, permettant, malgré la modification apportée par l'archiviste, de replacer chaque pièce dans son contexte de production.
Au final, la sous-série 10 R du département de l'Ain a pour avantage de regrouper des archives désormais bien conservées, avec peu de lacunes (au moins pour les organismes recensés). Toutefois, en raison de sa dominante agricole et de sa situation à l'arrière, le département conserve peu de documents sur l'activité industrielle, la reconstruction et les dommages de guerre. Au regard de travaux effectués dans d'autres départements, il apparaît aussi que certains fonds ne sont pas arrivés jusqu'aux Archives départementales (office départemental des charbons, service de l'essence et du pétrole, comités communaux d'action agricole…). Malgré tout, l'historien trouvera ici, à travers des archives dont l'essentiel n'a jamais été communiqué, de quoi alimenter bon nombre de travaux de recherche.