Né à la maternité de Bourg-en-Bresse, le 25 mars 1926, Georges Martin fut le fils de Félix Adolphe Martin, employé des chemins de fer, et de Marie Thérèse Vaudet, ouvrière en confection à Bellegarde-sur-Valserine. Bien que baptisé et communiant, Georges Martin fut élevé dans un environnement fortement ancré à gauche. De ses souvenirs bellegardiens, il retint principalement l'implication de son père au sein de la section socialiste locale, ou les défilés enthousiastes de 1936 célébrant la victoire du Front populaire. Plus tard, alors que son père fut nommé chef de manoeuvre au centre ferroviaire d'Ambérieu-en-Bugey, Georges Martin garda longtemps en mémoire la colère et l'humiliation des ouvriers réprimés lors de la grève générale de 1938. Reçu premier du canton d'Ambérieu-en-Bugey au certificat d'études primaires, Georges Martin comptait enfin, parmi ses souvenirs d'enfance, ses grandes vacances à Boyeux-Saint-Jérôme où il allait garder les vaches chez « le cousin Maurice ».
La défaite de 1940 et le vote des pleins pouvoirs à Philippe Pétain provoquèrent naturellement l'indignation de ce jeune fils de cheminot ambarrois. Sur cette période, Martin écrit : La République n'est plus et avec elles les libertés fondamentales, les principes de 1789, la démocratie. Toutes les organisations politiques, syndicales, culturelles, laïques, sont interdites ou mises au pas. A la maison Martin, c'est le refus intégral, qui, dans les circonstances du temps, reste une affaire de famille. En 1941, alors âgé de 15 ans, Georges Martin prit la tête d'une troupe d'Eclaireurs de France (issue du scoutisme) créée par les militants de l'Amicale laïque Jules Ferry. L'année suivante, René Berthet, instituteur à Ambérieu, le recruta afin de distribuer des tracts et des journaux clandestins. Lauréat du concours d'entrée à l'Ecole normale, alors fermée, il poursuivit ses études en juin 1943 au lycée Lalande à Bourg-en-Bresse. C'est dans cet établissement qu'il entra en contact avec une unité des Forces unies de la jeunesse, structurée dans le lycée et dirigée par Jean Marinet après l'arrestation de Paul Morin. Souvent affecté aux opérations de propagande, Georges Martin aspirait cependant à d'autres activités. En avril 1944, Mme Pasquet, droguiste à Ambérieu et dépositaire de la presse clandestine, le mit en relation avec un certain Charly, qui n'est autre que Gaston Brucher, chef d'un groupe de sabotage très actif au centre ferroviaire de la ville. Après un examen de passage réussi, Gaston Brucher lui fit cadeau d'un 6,35 mm (un joujou pour dame selon G. Martin) que le jeune résistant cacha dans le pli de son pantalon de golf. S'ensuivit une période active de formation au maniement des armes et des explosifs, puis de participation, en tant que chef d'équipe, aux actions du groupe Brucher dans la région d'Ambérieu-en-Bugey (maquis de Corlier). Georges Martin prit part à de nombreux combats durant l'été 1944, jusqu'à la démobilisation du groupe, le 18 septembre. Son engagement sans faille aux côtés de Gaston Brucher lui valut le titre de combattant volontaire de la Résistance en 1954. Il fut décoré de la Croix de combattant volontaire de la Résistance et de la Croix de combattant volontaire 1939-1945.
En 1944, des directives provenant des FFI impliquèrent de transformer le groupe franc Brucher en compagnie, dite Compagnie Moselle, avec une organisation militaire plus stricte, où Gaston Brucher et Georges Martin reçurent respectivement les grades d'adjudant et de caporal. Sur ce point, Georges Martin note : Inutile de dire que ces appellations toutes militaires ne seront jamais utilisées et que chacun continuera à parler du groupe Brucher. Ce véritable groupe franc s'appuie sur des sédentaires restés « en bas » sur ordre, pour assurer les renseignements, les liaisons, la poursuite de la propagande, l'aide aux sabotages et servir de point d'accueil et de repli, au risque de subir des dénonciations et des représailles. Dans mon livre « Ambérieu la rebelle », je les cite en détail et souligne combien cette organisation est à l'aise, comme un poisson dans l'eau, au sein d'une population largement complice. Une structure que ni la Milice, ni la Gestapo n'ont jamais pénétrée. Réduit à sa plus simple expression, le groupe est lié par une solide camaraderie et n'a pas l'aspect d'une formation militaire.
En novembre 1944, le lycée Lalande rouvrait ses portes et Georges Martin, élève-instituteur, reprit ses études avec ses camarades de promotion. Il obtint son baccalauréat de Philosophie-Lettres en 1946 puis son certificat d'aptitude pédagogique en 1947. L'année suivante, il effectua son service militaire au quartier général du 88e régiment de transmissions à Baden-Baden, dans le cadre des Troupes d'Occupation en Allemagne (TOA). De retour en France, il se maria civilement en juillet 1949 à Beaupont, puis commença sa carrière d'instituteur à Hostiaz, Viriat et Bourg-en-Bresse. De son poste d'enseignant, il évolua ensuite au sein de classes de perfectionnement puis de rééducation individuelle, pour se spécialiser au service de l'enfance handicapée. Il obtint un certificat d'aptitude à l'enseignement des inadaptés en 1960 puis un certificat de rééducateur psychopédagogique en 1963. Il fut également nommé secrétaire de la commission médico-pédagogique de la circonscription de Bourg-en-Bresse. Durant le temps de sa carrière professionnelle, qui prit fin en 1981 et pour laquelle il fut décoré de l'Ordre des Palmes académiques en 2004, il dirigea, en tant que moniteur ou directeur, diverses colonies de vacances ou camps d'ados. Son investissement auprès de la jeunesse se traduisit encore par de nombreuses responsabilités au sein de structures comme les Francs et Franches Camarades de l'Ain (FFC), ou en tant que directeur de stages de formation au BAFA, d'un camp d'initiation à l'alpinisme Aux Houches (1958-1968), et de stages de langue russe pour lycéens et étudiants à Sotchi (1968-1973).
Parallèlement à ses activités scolaires et extrascolaires, Georges Martin s'investit massivement dans le monde du militantisme. Encarté au Parti communiste en 1943, il devint après-guerre secrétaire fédéral de l'Union de la jeunesse républicaine de France puis entra au comité de la fédération communiste au début des années 1950. Il quitta cependant le Parti communiste lorsque Georges Marchais refusa de s'expliquer sur ses activités durant la Seconde Guerre mondiale, dénonçant également chez le secrétaire général de l'époque les outrances et un ouvriérisme ignorant les évolutions de notre société. En 2012, Georges Martin se considérait comme un communiste sans carte.
L'action militante de Georges Martin prit aussi une autre forme, peut-être moins politisée ou plus libre, au sein de l'association France-URSS, créée en 1945 à Paris. Cette association eut pour but de favoriser les échanges touristiques ou professionnels et la connaissance mutuelle des deux pays. A la tête du Comité de l'Ain, Georges Martin fut également membre du comité national puis du secrétariat national entre 1970 et 1987. Multipliant les reportages en Union soviétique, il fut ainsi à la base de nombreux articles, notamment au sein du mensuel France-URSS Magazine, où il occupa le poste de directeur de rédaction. Ses travaux de recherche, abordant des thèmes aussi variés que l'enfance inadaptée, les mesures d'internement, la cuisine locale ou encore la catastrophe de Tchernobyl, lui valurent d'être l'auteur ou de participer à la rédaction de nombreux ouvrages sur l'Union soviétique.
En 1992, le démantèlement de l'URSS provoqua la dissolution de l'association. Dans l'Ain, elle fit place à une nouvelle structure, Initiatives Ain Ukraine, où Georges Martin continua à s'investir afin de maintenir les échanges culturels et amicaux avec la nouvelle république. Cette période semble aussi être un moment où l'ancien résistant aspira à retrouver ses souvenirs de jeunesse, non pas par nostalgie, mais dans la conviction que le devoir de mémoire avait toute sa place au sein de notre société. Durant plusieurs années, Georges Martin présida l'Amicale André Lemitre, représentant la section d'Ambérieu-en-Bugey des Anciens des maquis de l'Ain. Il participa aussi activement au développement de l'association Résistance au lycée Lalande où il s'impliqua jusqu'en 2008. Par le biais de rencontres, de manifestations commémoratives, de conférences ou d'interventions auprès du public scolaire, Georges Martin s'attacha à apporter son témoignage et à raviver le souvenir du passé résistant de l'Ain. Il fut également l'auteur en 2002 d'un ouvrage de référence, Ambérieu la rebelle, retraçant l'épopée du groupe Brucher durant la Seconde Guerre mondiale. Il occupa enfin les postes de membre du conseil départemental des Anciens combattants et membre de la commission de préparation du concours national de la Résistance et de la Déportation au rectorat de Lyon.
Electron libre, humaniste, adversaire de la hiérarchie, homme passionné et écrivain de talent, Georges Martin s'est éteint en décembre 2016, à l'âge de 90 ans.