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Fonds de la cuivrerie de Cerdon

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Présentation du fonds

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  • Historique de la conservation

    Les archives de l'entreprise ont été stockées dans différents bâtiments de l'usine avant d'être transférées en 2018 aux Archives départementales.

  • Présentation du contenu

    Cerdon, petit village pittoresque niché dans les montagnes du massif du Jura, a fait sa réputation avec son magnifique vignoble de 300 ha et son vin mousseux très renommé. Le bourg était également une étape obligatoire pour les diligences qui se rendaient de Lyon à Genève. En effet, pour des contraintes liées aux techniques du roulage, les voituriers et cochers s'arrêtaient à Cerdon pour renforcer les attelages avant de grimper la grande côte. Ils en profitaient pour investir les cafés et auberges du village et s'y divertir. Mais le phylloxera qui a ravagé tout le vignoble, ainsi que la construction de ce qui est actuellement la D 1084, ont ruiné l'activité du pays qui s'est dépeuplé. Cerdon sera sauvé par les cépages américains, mais aussi grâce au développement de plusieurs industries locales telles que la papeterie, la soierie et le travail du métal. Figure de proue de cette renaissance pour Cerdon : la cuivrerie.

    De Charles-Eugène Main à Maurice Goy :

    L'histoire de la cuivrerie de Cerdon est étroitement liée à celle de la dynastie des Main. En 1836, Charles-Eugène Main s'associe à Louis Carrier pour acheter un terrain à Jacques Loisel. Ce dernier leur consent même un prêt de 3.000 francs pour lancer leur activité. Les fils de Charles-Eugène Main entrent tour à tour dans l'entreprise florissante qui prend le nom de société Main et Fils. Joseph Fleury et Jules Eugène travailleront à la cuivrerie jusqu'à leur décès survenu respectivement en 1885 et 1895. Victor Main, le 3e frère, vend ses parts à ses frères en 1869 et s'installe à Pont-de-Préau où il transforme l'ancienne papeterie Mical en cuivrerie.

    Au décès de Jules Eugène Main, ce sont ses fils François Edouard et Louis qui reprennent l'activité de la cuivrerie, associés à Eugène qui n'est autre que leur cousin puisqu'il est le fils de Joseph Fleury. Mais très vite, François Edouard et Louis vendent tous les droits qu'ils détiennent dans la société à Eugène qui s'associe avec Louise Mathilde Léandre, la veuve de Jules Eugène Main. La société Main et Fils modifie ses statuts en 1902.

    En 1905, les cuivreries de Cerdon se lancent dans la production à grande échelle de plateaux de balances, un nouveau marché très porteur. Par opportunisme économique, les usines Main et Fils et Francisque Main, concurrentes jusqu'alors, se réunissent sous le nom de société française des plateaux de balances. Au décès de Francisque Main, en 1910, c'est son fils Pierre Francisque qui héritera de la fabrique de maillechort. Mais Pierre Francisque est incorporé comme maître-pointeur dans le 260e régiment d'artillerie en 1914 et est tué à Villers-Cotterêts en 1918. L'exploitation de l'usine sera menée un temps encore par Auguste Ramella jusqu'à ce qu'un incendie détruise complètement les bâtiments en 1923, sonnant le glas de l'activité de la branche Victor Main.

    De son côté, Eugène travaille avec son fils Joseph Jules qui décède en 1917, fauché lui aussi par la Grande Guerre en chutant avec son avion à Pontailler-sur-Saône. Eugène se retrouve seul à la tête de la cuivrerie, et meurt à son tour en 1919.

    Après cette série de disparitions, la cuivrerie devient une affaire de femmes puisque ce sont Amélie Mélanie et Louise Eugénie, les deux filles d'Eugène, qui reprennent l'activité. Paul Bertrand rejoint l'entreprise familiale en épousant Louise Eugénie, la plus jeune des deux sœurs. Paul, né en 1899, est originaire de Belleville-sur-Saône où son père, Léon Bertrand, travaille comme employé du Crédit Lyonnais.

    La cuivrerie reste dans la famille Bertrand jusqu'en 1973 où elle est revendue à des Algériens qui ne pourront empêcher, dans un contexte économique difficile, la liquidation de la société en 1979.

    L'usine est rachetée la même année par Maurice Goy. Les machines sont remises en état de marche, des jeunes sont engagés et formés. La production se diversifie avec la création d'un atelier pour l'émaillage synthétique et d'un autre pour l'étain. Maurice Goy crée également la société Presti-France qui réalise des récompenses sportives et ouvre la cuivrerie au public. Le cinéaste Jean Becker viendra avec Michel Serrault tourner une séquence pour son film « Les enfants du Marais ». Malgré une fréquentation très importante (plus de 80.000 visiteurs par an), la cuivrerie de Cerdon ferme ses portes en 2010.

    Savoir-faire et commercialisation

    La cuivrerie de Cerdon est une appellation générique qui désigne un ensemble de petites usines hydrauliques essentiellement possédées par la famille Main et basées sur les hauteurs du village, dans le quartier de la Suisse. Pendant près d'un siècle et demi, la cuivrerie n'a cessé d'évoluer : elle s'est agrandie progressivement en achetant de nombreux immeubles. Elle a su s'adapter en se dotant des équipements nécessaires (des roues à aubes, une énorme presse américaine de marque Bliss commandée en 1921, mais aussi des milliers d'outils spécifiques dont beaucoup étaient fabriqués sur place).

    Les ouvriers étaient le plus souvent natifs de Cerdon ou des villages environnants. On les appelait les Magnins, un terme franco-provençal qui désigne les chaudronniers ambulants, étameurs et réparateurs d'ustensiles de cuisine qui passaient de maison en maison. A la cuivrerie, certains étaient spécialisés dans la dinanderie, d'autres étaient repousseurs, d'autres étaient batteurs de cuivre. Ils étaient formés sur place. Certains ouvriers travaillaient à plein temps à l'usine, d'autres étaient des vignerons du village et travaillaient à la tâche pendant les périodes creuses. Cerdon a employé jusqu'à 80 ouvriers au début du XXe siècle, mais les deux guerres mondiales ainsi que le contexte économique de plus en plus difficile ont fait chuter la production, et donc le nombre de salariés. A la fin des années 1930, il y avait encore 18 employés chez Main et Fils, mais en avril 1940, ils ne sont plus que 10 dont 3 de plus de 60 ans. Quant au mécanicien qui réalisait les outillages dans les ateliers, il a été mobilisé dans un arsenal. Après la Libération, le contexte n'est guère plus favorable : les grands marchés sont inaccessibles du fait de la concurrence, la main d'œuvre locale disparait du fait de l'exode rural et le renouvellement du matériel technique aurait un coût trop important. Les ouvriers ne sont plus qu'une dizaine en 1973 lorsque la cuivrerie est reprise par des étrangers.

    Il est possible d'avoir une connaissance très précise des différents types de productions grâce aux archives. Les catalogues fournissent la liste détaillée et illustrée de tout ce que la cuivrerie pouvait produire en série : en orfèvrerie, l'usine Main proposait des assiettes, une centaine de modèles différents de plats, des saladiers, des bols, des sucriers, des soupières, des théières, des cafetières, des gobelets, des cuvettes, des soucoupes, des cloches, des brochettes, des légumières, des boules à éponge, etc. Ces articles étaient le plus souvent faits en maillechort argenté par galvanoplastie. Pour certains marchés ciblés, comme les pays du Maghreb, la production était adaptée : amphores, aiguières, chaudrons, braséros, brûle-parfum, seaux arabes, lavoirs marocains, bassins etc.

    La correspondance commerciale témoigne également de la très grande facilité d'adaptation et de la réactivité de la société, qui est capable de fabriquer en quelques jours aussi bien des flotteurs de carburateurs pour des constructeurs automobiles ou des lunettes pour la Marine Nationale, que de réparer des lampes à souder ou des alambics.

    Les Main ont su également répondre aux demandes selon les besoins de l'époque : par exemple, la société Main et Fils et la société Francisque Main ont fusionné en 1905 pour devenir la Société Française des Plateaux de Balances et unir leurs forces pour être capables de produire ce genre d'articles en quantités industrielles. D'innombrables sulfateuses sont sorties des usines à la demande de la société Vermorel. Le prestige de Cerdon, c'est encore d'avoir conçu très tôt, dès le milieu du XIXe siècle, des tables de filature avec bassines et tuyauterie en cuivre pour dévider les cocons de soie. Ces modèles ont été remarqués en 1849 et médaillés par la société d'Emulation de Nantua lors de l'exposition des produits des arts et de l'industrie. De nombreuses filatures ont été équipées par la cuivrerie de Cerdon comme les soieries Bonnet de Jujurieux, celles de Saint-Jean-du-Gard dans les Cévennes ou de Tomioka au Japon en 1872.

    La cuivrerie pendant la Seconde Guerre mondiale.

    Dès les premiers mois du conflit, l'activité de l'entreprise est en forte baisse. La moitié du personnel est mobilisée et les commandes habituelles ne peuvent être honorées faute de métal. Paul Bertrand, le directeur, se rend à l'Inspection des Forges à Lyon. Celle-ci a pour mission de contrôler la qualité des productions issues de l'industrie privée et celle des matériaux et fournitures destinés aux arsenaux et manufactures d'armes. L'inspecteur lui fait savoir que la cuivrerie ne pourra maintenir son activité qu'à la condition que les ateliers produisent des articles destinés à la Défense Nationale, ce qui semble ne s'être jamais concrétisé. Après l'Armistice, la cuivrerie tourne à faible régime en produisant des articles de son catalogue à destination de quelques clients fidèles. Cependant l'usine connaît de grosses difficultés d'approvisionnement, d'abord parce que tous ses fournisseurs se trouvent en région occupée et ensuite parce que les métaux non-ferreux sont réquisitionnés par les Allemands pour soutenir l'effort de guerre. Pour rendre les choses plus difficiles encore, le Comité de surveillance des prix a rehaussé les prix de 15% en mars 1940.

    Entre 1942 et 1944, la région du Bugey est un refuge pour les résistants et maquisards. Pendant les quelques mois qui précèdent la Libération, les autorités allemandes mènent plusieurs opérations de représailles contre la cuivrerie en raison des opinions politiques de Paul Bertrand et de ses prises de position antinazies, notoirement connues. Le 24 avril 1944, deux officiers allemands font irruption dans les bureaux de la cuivrerie, puis, revolver au poing, passent dans l'usine en demandant à voir les stocks de métaux non-ferreux. Ils les font peser puis donnent un bon de réquisition en précisant que s'il manque 1 seul kg de métal lors du chargement, le gérant sera pris en otage. Quelques jours plus tard, 2 camions conduits par des soldats allemands viennent enlever le métal qu'ils emmènent en gare d'Ambérieu et chargent sur deux wagons. Au total, 5200 kg de métal (cuivre, laiton et maillechort) partent à destination de Saint-Denis en région parisienne.

    S'appuyant sur une loi allemande du 19 juillet 1957 qui accorde des indemnités aux victimes du nazisme, Paul Bertrand demandera la somme de 2.687.000 anciens francs pour reconstituer approximativement son stock. L'indemnisation au titre des dommages de guerre sera rejetée le 31 mai 1961 par le ministère de la Reconstruction.

    Le 12 juillet 1944 à 11 heures du matin, les Allemands reviennent à Cerdon et incendient 47 maisons dans le village et fusillent 3 hommes dans la cour de l'école. Des soldats montent jusqu'à l'usine enfoncent le rideau de fer du garage et en extraient la Simca 5 de la société. Après avoir soulevé le capot, ils jettent une grenade dans le moteur qui explose en détruisant tout l'avant du véhicule. Dans l'usine et les bureaux, les Allemands se livrent à un pillage et finissent par emporter 1 machine à écrire et 10 litres d'huile de moteur.

  • Modalités d'accès

    Archives privées

  • Statut juridique

    Archives privées

  • Bibliographie

    GRIMBOT, Jacques. Anciennes usines à eau, Cerdon et Labalme : volume 3. 2016, 208 p.

    MOYRET, Louis. Quatre moulins à papier à Cerdon.1980, 47 p.

  • Mots matières

    métallurgie

  • Lieux

    Cerdon (Ain, France)