La Dombes et sa justice sous les ducs de Bourbon
Au début du XVe siècle le comte de Savoie et le sire de Thoire-Villars se partagaient la plus grande partie de la Dombes géographique, mais en 1402, le duc de Bourbon qui succèdait aux seigneurs de Beaujeu, hérita d'une partie des biens du dernier sire de Thoire-Villars ; ses nouvelles possessions situées sur la rive gauche de la Saône, en terre d'Empire, formèrent ce que l'on appela la principauté de Dombes.
La justice était alors composée de juges seigneuriaux, de châtelains, de juges ordinaires et d'un juge d'appel à Beaujeu, et, au sommet de la pyramide, du suzerain à la tête de son conseil. Ce conseil était la première esquisse du parlement. Les juges du Beaujolais siègeaient à Beauregard lorsqu'ils traitaient des affaires de la Dombes, mais la situation des justiciables dombistes devint difficile lorsque le duc transfèra le siège de sa justice de Beaujeu à Moulins, capitale de ses Etats.
L'annexion de la Dombes au royaume de France et la création du parlement (1523)
Charles de Bourbon fut accusé par François Ier d'avoir conspiré avec l'étranger, et le 17 septembre 1523, Pierre de La Guiche, bailli royal de Mâcon, prit possession de la Dombes au nom du roi de France, bien que ce fût une terre d'Empire. Le sénéchal de Lyon devint alors provisoirement le bailli de Dombes.
Mais en novembre 1523, François Ier, satisfait de la soumission des Dombistes, leur concéda une justice particulière avec son siège à Lyon :
"Pour le soulagement des dits sujets, seront par nous commis et entretenus à toujours, juges ordinaires et d'appeaux, avocats et procureurs pour nous, pour l'exercice de la justice, qui feront leur résidence continuelle en la dite ville de Trévoux, en laquelle la dite justice sera exercée, comme principale du pays ; par devant lequel juge d'appeaux les appellations du dit juge ordinaire de Trévoux et autres juges ordinaires du dit Pays de Dombes, seront relevées et introduites sans moyen. Et au lieu qu'en souverain et dernier ressort les appellations du dit juge d'appeaux relevoient et introduisoient leurs appellations en la Chambre du Conseil des dits ducs et duchesses de Bourbon en la ville de Moulins, pour plus grand soulagement des dits habitants du dit pays de Dombes, avons dit, statué, déclaré et ordonné que d'oresnavant les dites appellations seront introduites et relevées, les procez visitez et conclus en souverain et dernier ressort en cette notre ville de Lyon par devant notre dit gouverneur et notre amé et féal notre sénéchal de Lyon, quand seront en la dite ville et s'y voudront trouver, les lieutenant général et particulier du dit sénéchal, et deux docteurs résidents en la dite ville es quels bailleront sur ce nos lettres à ce requises et nécessaires pour l'administration de la justice de notre dite chambre à Lyon pour le dit souverain et dernier ressort, ensemble notre procureur en la dite sénéchaussée et un greffier et deux huissiers, aux gages qui par nous leur seront ordonnez, les quels nous y avons créé et établi, créons et establissons par les présentes. Et après les arrêts et sentences définitives des dits procez ainsi vus et conclus, seront prononcez par le dit notre gouverneur, sénéchal de Lyon, ou leurs lieutenant ou autres du dit Conseil par eux à ce déléguez en la dite ville de Trévoux, comme ci-devant a été de coûtume de faire, sans que l'on puisse les dits arrêts et sentences définitives et souveraines, appeller ni relever ailleurs, ni les dits sujets de Dombes être trajettez pour quelques causes que ce soit, tant civiles que criminelles, en autres cours et juridictions que par devant notre dit gouverneur et sénéchal ou leurs lieutenans et gens du dit Conseil à Lyon" ...
Ces mêmes lettres patentes rétablissaient aussi la chambre des monnaies de Trévoux. Ainsi, et bien que le mot ne figurât pas, il s'agissait bien de la création d'un parlement. D'ailleurs le sceau de cette juridiction suprême portait la légende : "Sigillum Domininostri Francorum Regis, pro supremo Parlamento Dumbarum" (2).
Séparation de la Dombes et du Beaujolais, création du bailliage de Dombes
Peu à peu ce parlement s'étoffa en personnel et se vit définitivement libéré d'une éventuelle tutelle du parlement de Paris, qui, profitant de ce que la Dombes n'avait pas été expressément séparée du Beaujolais, en venait progressivement à connaître de ses affaires. L'affaire prit encore plus d'ampleur lorsque les gentilshommes dombistes furent convoqués au ban et à l'arrière-ban du Beaujolais. Pour mettre fin à toute équivoque, François Ier confirma la désunion du Beaujolais et de la Dombes, et exempta les habitants de tous impôts (hormis par don gratuit), par ses lettres patentes d'avril 1543.
En 1547 le parlement prit encore de l'importance en recevant la connaissance de toutes les questions relatives aux péages sur la Saône, le Rhône et l'Isère :
"Avons cassé et aboly, cassons et abolissons tous nouveaux péages sur les dites rivières de Rhône, Isère et Saône, mis sus depuis cent ans en ça, voulons et nous plait que tous ceux qui prétendent droit de péage de pardevant le dit temps en apportent ou envoyent les lettres, tiltres et enseignements par devant noz amez et féaux Conseillers les gens tenans à Lyon nostre court de Parlement de Dombes que nous avons commis et députez, commettons et députons en ceste partie."
Mais cette mesure ne fut pas appliquée en raison de l'opposition jalouse des autres cours et des seigneurs visés. L'avocat général Mathieu de Vauzelles dut se résigner à publier un Traité des péages, en 1550 (3). En mai 1558, Henri II confirma encore la désunion de la Dombes et du Beaujolais et renouvela le siège de la justice ordinaire à Trévoux en y créant un bailliage :
"Avons en la dite ville de Trévoux créé, érigé et établi [...] un siège de justice ordinaire et icelui composé d'un juge ordinaire et lieutenant général civil et criminel au bailliage de Dombes, un lieutenant particulier, un avocat et procureur de nous, qui connoîtront des causes et matières dont les juges, lieutenants généraux civils et criminels des autres bailliages et sénéchaussées de notre royaume ont accoustumez de connoître. Et les appellations qui de nos dits officiers établis au dit Trévoux seront interjettées se relèveront et introduiront par devant le dit juge d'apeaux de Dombes, et celles d'icelui juge d'apeaux en notre dit Parlement de Dombes établi au dit Lyon" (4).
Retour de la Dombes à la maison de Bourbon-Montpensier, confirmation du parlement à Lyon (1561)
Le 27 septembre 1560, après 37 ans d'annexion, la Dombes était restituée par François II à Louis de Bourbon-Montpensier, neveu du connétable (5). Ce traité fut exécuté en 1561 par Charles IX. Mais les choses ne reprirent pas leur ancien état car la Dombes cessait de relever de l'Empire (malgré la volonté de Charles Quint au traité de Madrid), le nouveau prince de Dombes ne devant prêter hommage qu'au roi de France :
"Et entend le dit seigneur Roi, que le dit duc et ses successeurs jouissent pour le regard du dit pays de Dombes, de tous droicts de souveraineté, prérogatives, prééminences, exceptions, immunitez, franchises, libertez et appartenances, tant pour lui que ses sujets, tels et semblables que les avoient les dits dame Anne de France et Charles de Bourbon, leurs prédécesseurs seigneurs du dit Dombes, sans aucune chose y réserver ny retenir fors la bouche et les mains tant seulement".
D'autre part le duc de Bourbon maintenait la séparation entre le Beaujolais et la Dombes et confirmait le parlement de Dombes à Lyon, par emprunt de territoire, et avec la permission du Roi (édit de septembre 1561).
Cet édit de règlement est très important car il apporte de nouvelles précisions sur l'administration de la justice et explique pour quelle raison, malgré une indépendance presque totale vis à vis de la France, le parlement de Dombes continua pendant près d'un siècle et demi de siéger à Lyon, c'est à dire en pays presque étranger :
"Entendons que toutes les appellations qui seront interjettées tant de notre dit juge d'appeaux que de notre baillif du dit pays de Dombes ou son lieutenant et autres juges du dit pays, soit civiles et criminelles, soient relevées en notre dite cour de Parlement et Conseil souverain du dit Dombes séant à Lyon, pour être jugées et décidées souverainement et en dernier ressort, avec toute même autorité que des parlements et sénats des autres princes et seigneurs souverains nos voisins. Laquelle notre dite cour de Parlement se tiendra et exercera deux fois l'année par forme d'éschiquier et grands jours, par nos présidens et conseillers ès notre ville de Trévoux. Et néanmoins la séance ordinaire pour l'instruction des procez, jugemens des appellations verbales et deffinition d'interlocutoire, demeurera en la ville de Lyon par territoire accordé, suivant la permission qu'en avons obtenu du roi mon dit Seigneur et ce tant en considération que nos principaux officiers sont à présent rendus au dit Lyon, que pour autres justes causes et commodités à ce nous mouvans."
Cet édit prévoyait aussi la peine de mort pour "tous Luthériens, sectateurs de nouvelles et réprouvées doctrines" (6).
Les guerres de Religion eurent d'ailleurs de lourdes conséquences sur le parlement de Dombes, car le sac de Lyon et de Trévoux par les protestants en 1562-1563, obligea les magistrats, aussi catholiques que leur souverains, à se disperser et à fonctionner avec difficulté jusqu'à la fin du siècle.
L'ordonnance de procédure civile et criminelle de 1581
Après avoir recouvré ses Etats, en 1561 (7), Louis de Bourbon avait donné en premier lieu des ordonnances sur la religion et la police, persuadé qu'il était que ces deux domaines étaient "les deux principaux moyens pour maintenir [ses] subjects en paix, union et parfaicte obéissance".
Mais bientôt il dut aussi légiférer en matière de justice car il s'était peu à peu introduit des abus dus tant aux "mutations depuis advenues" qu'aux "subtilitez et inventions tant de personnes playdantes que des praticiens dont la plupart ne tâchent qu'à longueurs et subterfuges", et dont le "povre peuple a esté infiniment vexé et travaillé"(8).
L'ordonnance de juin 1581 revêt une importance capitale, car elle servit de base à tout le fonctionnement de la justice en Dombes jusqu'à la fin de l'Ancien Régime. Elle fit d'ailleurs l'objet de commentaires dont certains furent imprimés telles les Ordonnances du Pays de Dombes, avec une interprétation, de Jérôme de Châtillon, 1583 (9).
Le texte de cette ordonnance contient 150 articles. Nous nous contenterons donc d'en donner les titres : Des ajournements, des présentations, défauts et congés, des récusations, des vues de lieu, des garants, des fins de non recevoir, des écritures, additions premières et secondes contenant les faits des parties, des réponses catégoriques, des enquêtes, des reproches des témoins, des productions des lettres et tiltres que les parties sont tenues de faire, des sentences et devoirs des juges pour les rapports et jugements des procès, des dépens, dommages et intérêts, de vue et prononciation des sentences, des épices, des appellations des sentences nonobstant l'appel, des exécutions de jujugements, de la taxe des dépens, des procès criminels, de la torture et question extraordinaire, de la prononciation des sentences criminelles, de la récision des contrats, des donations, des insinuations de donations, des notaires.
On voit, par l'énoncé de ces titres, l'étendue des domaines judiciaires concernés : procédures civiles et criminelles, juridiction gracieuse, droit civil, insinuation et notariat.
Louis de Bourbon mourut peu après, le 22 septembre 1582. Il eut pour successeur son fils François qui régna dix ans, de 1582 à 1592. Il soutint l'action du parlement à l'occasion des grands jours contre les juges locaux jaloux de l'intrusion de la cour dans l'exercice local de la justice (10).
Le parlement au temps du rattachement de la Bresse à la France, les grands jours
Sous le règne d'Henri de Bourbon (1592-1608), la guerre qui opposa le duc de Savoie au roi Henri IV et qui aboutit au rattachement de la Bresse et du Bugey à la France par le traité de Lyon de 1601, eut d'importantes conséquences sur la situation politique et économique de la Dombes. La période la plus sombre fut les années 1594 à 1598, mais, pendant ce même temps, les institutions judiciaires de la principauté ne connurent que peu de transformations. Les grands jours continuèrent d'avoir lieu à Trévoux, et on peut, à cette occasion citer quelques extraits de la harangue du premier président Balthazar de Villars, lors de l'ouverture des grands jours de 1602 :
"Ne vous estonnez pas quant je prononce ce mot de grands jours : il n'est poinct si terrible qu'on veult faire encroire. Il semble qu'il vous ayt tous effrayés, et néanmoins l'expérience vous a peu aprendre cy-devant, avec l'exemple de vos voysins, que les grands jours, ny en leur institution, ny en ce qu'ils produisent, il n'y a rien de terrible, rien à craindre que pour les méchants " [...].
"En ces assemblées icy, on y traicte indifféremment toutes sortes de procès, de sorte que tenir les grands jours, n'est aultre chose que tenir le Parlement ou les assises de justice. Et en cest endroict il nous sera permis de philosopher sur ce mot de grands jours, et dire que tout ainsy qu'aux plus grands jours de l'esté le soleil est plus lumineux, plus chault et rend le ciel plus serain, de mesme la justice qui est le vrai soleil de toutes les actions des hommes, en ceste journée, en ceste diette, dissipe toutes les ténèbres dont les meschants couvrent leurs mauvais desseings à la ruyne des bons, descouvre et faict venir au jour les frauldes dont les plus rusés pippent les moins advisés, eschauffe le courage des juges pour les animer à secourir les opprimés et poursuyvre les malfaiteurs, enfin rasseure le frond des bons par la confiance d'une bonne conscience, et trouble l'apréhension des délinquans par la sévérité des peynes deues à leurs démérites" (11).
Henri de Bourbon eut pour successeur sa fille Marie, qui n'était alors âgée que de deux ans, et fut placée sous la tutelle de son grand oncle maternel, le cardinal de Joyeuse, qui délégua pour tuteur effectif François Du Peyrat.
Le Règlement général de 1610 et les limites de 1612
Le règne de la princesse Marie fut marqué dès son début par un important règlement général où se mêlent les articles de police (ordre public, économie) et les articles relatifs à l'exercice de la justice (12). Parmi ces derniers nous retiendrons surtout les articles 26 à 28 qui tentent d'organiser les archives judiciaires, les articles 30 à 35 qui modifient et accroissent la compétence du châtelain de Thoissey (13) et les articles 37 à 44 sur l'assiette des impôts (14).
L'autre affaire importante du début du règne, menée par Balthazar de Villars, fut la nouvelle limitation de la Dombes du côté de la Bresse (15). L'imprécision de la frontière qui coupait souvent des paroisses et même des villages, avait de fâcheuses conséquences sur les impositions et sur l'administration de la justice et faisait naître d'incessantes querelles entre les officiers des deux provinces. La frontière fut donc redéfinie avec soin. Mais, semble-t-il, l'affaire ne fut pas menée à son terme et la Dombes eut le sentiment d'avoir été lésée. En effet, Cachet de Garnerans, en 1699, déclarait : "[...] par ces dernières limites, qui ne sont que provisoires, les commissaires députez, tant de la part du Roi que des Souverains de Dombes, n'ont pas achevé leur procès-verbal de limites, dans lequel il paroit que le Souverain de Dombes n'ont pas été bien servis, en ce que leurs députez ont souffert que les commissaires du Roy ayent restraint la Dombes en plusieurs endroicts, particulièrement les paroisses de Dompierre-de-Chalaronne et Clémencia en Bresse, qui ont toujours été de la Souveraineté de Dombes avant les dites limites provisionnaires et de la dépendance de la châtellenie de Thoissey. [...] ce n'est pas le seul grief qui ait esté faict au Prince, puisque la terre de Béreins a été renfermée dans la Bresse, au préjudice des souverains de Dombes" (16). D'autres sources expliquent aussi que la limite fut souvent fixée sur la seule déclaration des riverains qui par la suite regrettèrent leur choix suivant que les impôts étaient plus lourds d'un côté ou de l'autre de la frontière.
Cette imprécision des limites montre une fois de plus qu'il faut effectuer les recherches dans les fonds judiciaires avec la plus extrême prudence, et qu'il ne faut pas hésiter à dépouiller les fonds de justices voisines pour la recherche d'un document, sans parler du fait qu'à l'imprécision des limites territoriales s'ajoute celle, non moins réelle, des compétences judiciaires dans une même province.
L'imbrication des justices seigneuriales qui avait pour origine le fait que le cens emportait presque toujours la justice et suivait les personnes dans leurs déplacements, fut combattue par une déclaration de 1624, qui exigeait de chaque propriétaire du droit de justice la présentation de la concession de ce droit (17).
La princesse Marie mourut, en 1627, à l'âge de 22 ans, en donnant naissance à sa fille Anne-Marie-Louise d'Orléans de Montpensier. Son mari Gaston d'Orléans lui succéda en tant que tuteur de leur fille et en tant qu'usufruitier. Aucune modification importante, sous son règne, ne fut apportée aux institutions judiciaires.
Le parlement sous le règne de la Grande Mademoiselle
La régence de Gaston d'Orléans prit fin en 1650, lorsque sa fille Anne-Marie-Louise, fut émancipée, à l'âge de 23 ans.
C'est sous le règne de la Grande Mademoiselle, cousine germaine de Louis XIV, que la Souveraineté de Dombes commença à connaître une période très brillante. En 1658, la princesse fit un voyage à Trévoux, qu'elle raconta elle-même dans ses Mémoires. On y lit entre autres :
"Après mon dîner, mon Parlement vint me haranguer en robes rouges. Je n'avois pas voulu qu'ils y vinssent à Lyon de cette sorte, de peur qu'il ne se trouvât quelqu'un de la Cour chez moi [elle avait accompagné Louis XIV lors de son voyage à Lyon], et que l'on me fit la guerre que j'étois bien aise de me voir haranguer comme la reine, et que l'on mit un genou en terre devant moi. Mes officiers me le firent dans Trévoux, comme font tous les Parlements à leurs souverains, et je leur dis de se lever. Le Président me parla fort bien. Je les remerciai de la bonne volonté qu'ils me témoignoient, et les assurai de la mienne. Puis je leur recommendai de me bien servir, et de rendre bonne justice à mes sujets" (18).
L'année suivante la Grande Mademoiselle reconstitua son domaine en rachetant les terres et juridictions de Chalamont et Thoissey, ce qui redonna de l'importance à la justice du bailliage (19).
Sur le plan judiciaire, le fait le plus marquant, outre la création de nouvelles charges importantes, fut la confirmation de la souveraineté du parlement, à l'occasion de deux procès où les plaideurs avaient tenté de porter leur affaire devant le parlement de Paris ou le Conseil supérieur du Royaume de France (20). Mais ce dernier, par son arrêt du 24 avril 1672, déclara l'affaire non recevable et confirma de ce fait l'autonomie absolue du parlement de Dombes. Cet arrêt fut encore confirmé par ceux du 30 septembre et du 30 décembre 1679, à l'occasion de l'affaire d'Amareins, et en dernier lieu et définitivement par la déclaration du Roi de mars 1682 :
"Et d'autant que le pouvoir de juger en dernier ressort est une des principales marques de la Souveraineté, laquelle il ne seroit pas juste de contester aux seigneurs de Dombes, lors qu'ils jouissent de toutes les autres prérogatives qui sont attachées à la Souveraineté, déclarons que la mention qui a été faite du pays de Dombes dans les rôles des provinces du Lyonnois, Mâconnois et autres qui ressortissent par appel en notre cour de Parlement de Paris, ne pourra être tirée à conséquence au préjudice du droit de souveraineté qui appartient à notre dite cousine par usufruit et à notre dit fils en propriété au dit pays de Dombes".
Le transfert du parlement (1696)
Pour comprendre la fin de la citation de la déclaration du Roi de 1682, que nous avons faite ci-dessus, il faut se rappeler qu'en 1681 la Grande Mademoiselle, cousine du Roi, non mariée, avait fait donation de la Dombes au fils naturel de Louis XIV et de Madame de Montespan, Louis-Auguste, légitimé en 1673 (21). Elle avait fait cette donation pour obtenir la libération de son ami Lauzun et la permission de l'épouser, et permettait à Louis XIV d'attribuer un véritable royaume à son fils, le duc du Maine. Ceci explique la bienveillance du Roi à confirmer l'indépendance totale de la Dombes, même si sa vie durant la Grande Mademoiselle gardait l'usufruit de cette terre.
Le règne de Louis-Auguste, qui voulait faire de sa principauté un véritable royaume en miniature, fut l'époque la plus brillante de l'histoire de la Dombes et de son parlement qui nous occupe ici.
La première initiative du prince fut de rétablir le poste de chancelier que son prédécesseur avait supprimé (22) ; il fut occupé d'abord par Charles Caton de Court, de Pont-de-Vaux, puis, en 1694, par Nicolas de Malézieu dont le rôle auprès du prince fut considérable et à qui l'on doit en partie l'événement le plus marquant du règne au moins sur le plan des institution et de la justice : le transfert du parlement de Lyon à Trévoux en 1696 (23). Cette translation fut rendue possible par le recrutement de plus en plus dombiste des officiers du parlement (qui autrefois étaient surtout des Lyonnais de la sénéchaussée, et qui formèrent désormais de grandes lignées de magistrats) et permit en retour un rapprochement notable des justiciables et de leur cour suprême. Mais il marquait surtout le désir d'affirmer pleinement l'autonomie de la Principauté vis-à-vis du royaume de France. La lettre de cachet du 12 décembre 1696, qui transférait le parlement, insistait surtout sur le désir du prince de rapprocher la justice de ses sujets, mais laisse poindre aussi les autres considérations :
"Ainsi ayant fait de sérieuses réflexions sur les fraiz que nos sujets sont obligéz de faire pour aller chercher, dans un territoire emprunté, la justice que nous sommes obligez de leur rendre, nous nous sommes enfin déterminés à transférer notre Parlement dans notre capitale, persuadez d'ailleurs que la présence du corps le plus important et le plus considérable de notre état contiendra les officiers subalterne dans une plus étroite observation de leur devoir, leur inspirera l'équité, préviendra beaucoup d'injustices auxquelles son éloignement servait de prétexte, et, surtout, rendra à notre Souveraineté un éclat dont elle a été privée trop longtemps".
Ce transfert fut concrétisé, peu après, par la construction d'un parlement qui existe encore à Trévoux et dont on peut admirer les peintures qui ornent son plafond et où l'on retrouvera toute la symbolique de la Justice (24).
Cette mesure capitale fut entourée de quelques précautions, notamment l'interdiction pour les magistrats de cumuler leurs charges avec des offices à la sénéchaussée de Lyon, ceci afin d'empêcher une éventuelle non-résidence qui eût été préjudiciable (25) et des injonctions répétées pour les obliger à une grande assiduité (26). Grâce à ces mesures, la vie judiciaire put reprendre son cours régulier dès 1700.
La création de la chambre des Requêtes et des bailliages de Thoissey et de Chalamont (1698)
Le transfert du parlement à Trévoux amena aussi une réorganisation de l'organigramme judiciaire.
Le bailliage de Dombes qui couvrait auparavant tout le territoire de la Souveraineté et dont le siège se trouvait à Trévoux, fut supprimé et remplacé par la chambre des requêtes du parlement, créée par un édit de septembre 1698 (27). La création de cette chambre, confiée aux conseillers du parlement, avait pour but de sédentariser le personnel qui avait tendance, malgré les nombreux règlements en la matière, à vouloir s'absenter de Trévoux. Le préambule de l'édit est en effet explicite sur ce sujet :
"nous avons cru ne pouvoir mieux faire que de confier la juridiction de cette chambre aux conseillers de notre Parlement, pour les obliger à continuer de plus en plus l'attachement qu'ils ont pour notre service et pour les rendre plus sédentaires et assidus en notre ville de Trévoux que quelques particuliers ne l'on été depuis que nous y avons transféré notre ditte Cour de Parlement".
Cette chambre comprenait quatre conseillers, siégeant par deux, à tour de rôle de six mois en six mois, et un avocat général, l'ancien bailli étant réduit au rôle de chef de la noblesse. Le ressort de cette chambre était celui du parlement lui-même, c'est à dire toute la principauté. En fait de compétence, l'édit de création précisait :
"[les conseillers] connoitront en première instance, non seulement des affaires personnelles et possessoires, mais encore de toutes celles dont les officiers du bailliage et Gabelles conoissoient ci-devant, tant en matière civile que criminelle, appellations des justices subalternes, acceptations d'hoiries, tutelle, curatelle, inventaire des nobles et officiers, vérifications des rôles, surteaux des impositions et généralement de tout ce qui étoit de la compétence des dittes juridictions, sans réserver aucune chose, à l'exception toutefois des appellations du juge et officiers de notre ville et comté de Chalamont […] et de Thoissey".
Le même édit créait en effet deux bailliages destinés à remplacer non l'ensemble des châtellenies, mais seulement celles de Chalamont et de Thoissey dont ils gardaient le nom et le ressort. Ces deux bailliages, créés pour "soulager les habitants" "attendu la distance des lieux", comprenaient un lieutenant général, un lieutenant particulier et un procureur. Leur compétence n'était pas très étendue puisque l'édit précisait encore :
"Ne pourront iceux officiers connaître des décrets et ventes judiciaires, ny accorder aucun pareatis, même faire les inventaires des nobles et ecclésiastiques, et connoitront seulement les dits officiers nouvellement créés des mêmes affaires dont les dits officiers supprimés connoissoient auparavant, à l'exception des des officiers du bailliage de Thoissey qui connoitront des affaires jusqu'à la somme de cinquante livres seulement […]. Les appellations des dits sièges ressortiront de notre Parlement de Dombes".
Les affaires importantes qui survenaient dans ces nouveaux bailliages étaient donc directement portées devant la chambre des requêtes, tandis que les affaires jugées par les bailliages pouvaient être portées en appel devant le parlement.
L'apogée du parlement et de la Dombes sous le duc du Maine (1693-1736)
Le transfert du parlement de Lyon à Trévoux et l'importante réforme judiciaire dont on vient de voir les grandes lignes, ne furent pas les seules transformations qui firent de la Dombes un véritable royaume digne d'un fils de Louis XIV.
Cette réforme judiciaire fut complétée par la construction d'une maison d'arrêt (1698), la création d'une compagnie de maréchaussée dont le prévôt siégeait avec les conseillers de la chambre des requêtes pour les cas prévôtaux (1699) (28), et la construction d'un palais pour le parlement de Dombes, terminé en 1703 et dont la décoration, tout empreinte de symbolisme et d'allégories politico-judiciaires, fut confiée à l'artiste vivarois Pierre-Paul Sevin qui s'était déjà distingué dans la décoration de Versailles (29).
Comme à Versailles, il y eut aussi une cour (toute proportion gardée) ; les hommes de loi, annoblis et même titrés, parfois écrivains, en furent les principaux personnages. On peut citer les Cachet de Montézan et de Garnerans : Benoît, premier président du parlement en 1699, ses fils Claude, auteur d'une Histoire de Dombes, et Louis, premier président en 1730 et encore son petit-fils, Jean-Benoît, lui aussi premier président, en 1747. Philibert Collet, substitut du procureur général, fut un juriste éminent, auteur d'un précieux commentaire sur les Statuts de Bresse, tandis que Louis Aubret, conseiller au parlement, doté d'une érudition immense, s'est immortalisé par ses Mémoires historiques pour servir à l'Histoire de Dombes, sans compter ses autres ouvrages et sa participation active au Glossaire de Du Cange. A l'avocat général de Poleins, on doit un Abrégé de l'histoire de la Souveraineté de Dombes (30).
Ces grands serviteurs de la Souveraineté furent récompensés et, simples nobles issus de la magistrature, ils s'élevèrent parfois au rang de seigneurs titrés : les érections de terres en comtés furent relativement nombreuses : Garnerans en 1696, au profit de Claude Cachet, Messimy en 1699 pour Antoine Desrioux, Sève en 1703 pour Pierre Sève, Cibeins en 1721 pour Pierre Cholier, Le Châtelard en 1726 pour Catherine Penet et Montbriand en 1756 pour le chevalier d'honneur Louis Leviste de Briandas (31).
Mais le véritable avantage de la principauté fut la paix qui permit au souverain de développer les institutions créées par ses prédécesseurs et la Grande Mademoiselle : l'imprimerie connut son heure de gloire avec les célèbres Mémoires ou Journal de Trévoux, mais aussi avec de nombreux livres faussement datés d'Amsterdam ou de La Haye (32). Si la monnaie ne fut plus frappée le duc du Maine (Louis XIV s'y était opposé, ce qui montrait que la souveraineté n'était pas sans limites), en revanche le travail de l'or (tirage et orfèvrerie) connut un développement prospère (33).
Le déclin de la Souveraineté et son rattachement à la France
En perdant son père Louis XIV, le duc du Maine perdait son meilleur protecteur, puis il fut lui-même emprisonné à la suite de la conspiration de Cellamare en 1719. Le Régent en profita pour commencer à violer l'indépendance judiciaire de la Dombes à l'occasion de la poursuite de faux-monnayeurs ou des assassins du courrier de Lyon (1727) (34). Le duc résista avec énergie, mais la situation ne cessa de se dégrader dans d'autres domaines : Malézieu mourut en cette même année 1727, privant le duc d'un conseiller aussi érudit qu'avisé ; des querelles s'élevèrent entre les membres du parlement tandis que le caractère du prince s'aigrissait peu à peu au point qu'il ne supportait plus les "remontrances" de ses magistrats : "Il me reste à vous marquer mon mécontentement sur quelques expressions hasardées par les autheurs de vos remontrances ... J'aurai attention à vos remontrances lorsqu'elles seront mesurées et sur des matières de votre compétences, n'ayant pas besoin de vos avis sur celles qui n'en sont pas" (1729) (35). Il mourut en 1736, laissant la Dombes à ses fils Louis-Auguste (1736-1755) et Louis-Charles, comte d'Eu. Sous leur règne, en 1739, le don gratuit, levé sans régularité, fut remplacé par une taille annuelle plus lourde et les états de Dombes furent supprimés. D'ailleurs la Dombes ne fut pour ces princes qu'une source de revenus pour soutenir leur train à la Cour. L'indépendance politique et judiciaire de cet Etat ne leur importait guère et c'est sans doute sans état d'âme que le Comte d'Eu échangea cette souveraineté contre le duché de Gisors et quelques autres terres, le 28 mars 1762, par un simple acte notarié (36).
La fin du parlement
Le rattachement à la France fut accueilli avec une certaine joie parmi la population, mais la suppression du Conseil souverain au profit du Conseil supérieur de France laissait augurer aux magistrats du parlement un avenir assez sombre. Pourtant dans l'immédiat aucun changement n'apparut et la cour du parlement continua de montrer un certain éclat avec à sa tête une personnalité remarquable aussi férue de lettres que de droit : Jean-Benoît Cachet de Garnerans, premier président depuis 1747 et intendant de Dombes en 1759 (37). Avec lui, les de Graire, les Dutour-Vuillard, les Basset de La Marelle, les Desrioux de Messimy, formaient encore une compagnie brillante qui pouvait donner l'illusion que malgré le rattachement rien n'avait changé. Mais le conflit des parlements avec le Roi et les marques de sympathie adressées par le parlement de Trévoux à celui de Paris, attirèrent sur celui-là les foudres royales, si bien qu'après avoir été supprimé comme toutes les autres cours souveraines du royaume le 31 octobre 1771 (38), et rattaché momentanément au conseil supérieur de Lyon, il ne fut pas rétabli avec les autres lors de l'avènement de Louis XVI en 1774. Il va sans dire que ce ne fut pas sans une grande amertume que les magistrats assistèrent à cette disparition, d'autant que cette mesure fut suivit d'autres qui réduisirent peu à peu la Dombes à une simple dépendance de la Bresse. En 1772, après l'intermède lyonnais, le parlement fut transformé en une sénéchaussée composée d'un lieutenant général et de 5 conseillers, et les bailliages de Chalamont et de Thoissey ne redevenaient plus que de simples châtellenies royales. Puis, en 1775 (édit de juillet) la sénéchaussée fut subordonnée au présidial de Bourg qui relevait lui-même du parlement de Dijon et les archives de la cour furent transportées dans la capitale bourguignonne. Ce même édit créait une chambre des domaines pour la Dombes. Les archives du greffe qui se trouvaient toujours en caisses en attendant leur départ pour Lyon, furent alors acheminées à Dijon. Seuls les terriers restèrent à Trévoux en raison de leur utilisation quotidienne (39).
Enfin "en l'année 1782 la principauté de Dombes fut unie aux Etats de Bresse pour ne plus composer qu'une seule et même administration des impositions dont la Dombes supporteroit un sixième. L'intendance de cette province fut supprimée et unie à celle de Bourgogne. La chambre d'élection à Trévoux éprouva le même sort de la suppression et fut établie à Bourg. Toutes les minutes du secrétariat de l'intendance de Dombes furent aussi transférées dans celuy de l'intendance de Bourgogne" (40). Cette profonde transformation de 1782 se voit d'ailleurs matériellement dans les archives de la justice avec l'apparition du papier timbré jusqu'alors inconnu en Dombes.
A l'approche de la Révolution les Dombistes eurent encore l'espoir de recouvrer une certaine indépendance, au moins sur le plan judiciaire, mais la grande période de la Principauté étaient alors définitivement révolue.
L'usage de Dombes
Le droit utilisé en Dombes était essentiellement le droit romain tel qu'il se pratiquait en Bresse. Cependant il s'en différenciait par quelques usages particuliers signalés par J. Dupond : "Les particularités principales de la législation dombiste, base de la jurisprudence de la cour, se rencontraient surtout dans le régime auquel obéissaient les femmes mariées, dans celui des successions, des tutelles et des obligations, dans la condition des étrangers et dans les usages en matière féodale" (41). L'auteur développe ensuite ces divers points, ce qui nous dispense de nous étendre ici sur le sujet. Cependant, à titre de complément, nous reproduisons une partie de l'article consacré au droit utilisé en Dombes par Denisart (42) :
"La province de Dombes est régie principalement par le droit civil ; on y suit aussi les ordonnances, édits et déclarations des anciens souverains. Ces loix ne laissent pas d'être en grand nombre ; plusieurs ont été imprimées dans leur temps ; mais il n'y en a point de collection. La plus considérable de ces ordonnances est celle de Louis de Bourbon, duc de Montpensier, du mois de juin 1581, qui a pour principal objet de régler la procédure en matière civile, sur laquelle ordonnance M. de Châtillon, président du Parlement de Dombes a fait un docte commentaire.
Il n'y a point de coutumes générales pour la Dombes : car ce que l'on appelle vulgairement la coutume de Dombes n'est point une coutume ; ce n'est qu'une espèce d'enquête par turbes faite en 1324 ou 1325, par les seigneurs de Dombes, sur les usages de ce pays, mais qui ne fut pas revêtue de l'autorité publique.
Il y a seulement quelques coutumes particulières ou privilèges accordés à des villes de Dombes, comme Lent, Trévoux, Toissey et Marlieu : on observe aussi en Dombes plusieurs usages non écrits et divers arrêts de règlemens.
La Dombes est un pays de franc-aleu ; tous les héritages y sont libres, s'il n'y a titres au contraire : il y a pourtant des fiefs, mais ils sont simplement d'honneur ; les droits utiles dépendent des titres. Le cens y est imprescriptible en lui-même ; mais les arrérages se prescrivent par cinq ans : les lods pour les héritages tenus à cens, en cas de mutation par vente, sont ordinairement du quart.
La chasse n'y appartient qu'aus seigneurs hauts-justiciers, qui ont acquis nommément cedroit des souverains.
Au lieu de douaire et de préciput, les femmes y ont un augment et des bagues et joyaux comme à Lyon ; mais elles peuvent s'obliger et aliéner leurs immeubles comme à Paris : on y peut stipuler la communauté des biens ; mais on ne suit pas à cet égard toutes les dispositions de la coutume de Paris. Pour rompre la communauté, un inventaire suffit ; et même il a été d'usage que le mari, en dictant son testament, faisoit faire par le même notaire une description sommaire de ses meubles et titres, au moyen de quoi la communauté n'avoit plus lieu après la mort du testateur.
Les parents et nominateurs de tuteurs ne sont point responsables de leur gestion ; l'émancipation tacite des enfants par mariage y a lieu. On n'y connaît point le retrait ligniager : les décrets d'immeubles s'y poursuivent conformément à l'édit des criées du roi Henri II. A l'égard des biens de peu de valeur, on les fait vendre sur trois publications. La procédure s'y fait en conformité des dispositions de l'ordonnance de 1667".
Les "Assises de la Saône"
Parmi les coutumes propres à Trévoux, il faut mentionner les fameuses assises de la Saône, par lesquelles les habitants affirmaient les droits de leurs souverains sur la rivière, les problèmes de limites ayant toujours été d'une grande importance en Dombes. Voici comment cette cérémonie est décrite par un texte de l'époque (43) :
"Saint Symphorien, patron de la ville de Trévoux, jour d'assemblée et feste balladoire qui y attire un grand concours de peuples de sept à huit lieues à la ronde.
Lorsque la province de Dombes était en principauté, la rivière de Saonne était indivise avec Sa Majesté, et le droit de pêche de chacun était limitté à l'une ou l'autre rive, et dans le milieu de la Saönne existe un gros rocher qui étoit regardé comme la division.
Le droit de bac pour traverser la Saônne vis-à-vis Trévoux appartient à Mr de Baglian de La Salle, par d'anciennes transactions, son bâtellier a son logement rière Dombes à côté la porte de la ville de Trévoux. Et pour ce droit là, Mr de Baglian doit chaque année un éperon d'or au domaine de Dombes ; il le fait payer annuellement en argent ; je crois qu'il est évallué cinquante livres. Les habitants de Trévoux ont le droit de passer et repasser librement la Saônne dans les bateaux de Mr de Baglian sans rien payer. Mr de Baglian soit ses fermiers font ce qu'ils peuvent pour faire tomber ce privilège.
Il seroit fort essentiel à Monsieur le Prince de Guéménée de faire passer nouvelle reconnaissance de l'éperon d'or et du privilège des habitants de passer sans rien payer.
Pour la conservation des droits des souverains de Dombes, chaque année le jour de Saint Symphorien, le capitaine châtellain et les deux consuls en exercice à la tête de cent habitants armés d'épées et de mousquets allaient dans des bateaux et se rendaient sur le rocher dont est parlé cy après où l'on avait d'avance placé une balise en verdure et faisant plusieurs décharges de mousqueterie, le parlement y venait en députation avec son greffier, ses huissiers et la maréchaussée et dressait procès verbal de la prise de possession de la moitié de la rivière de Saônne à main armée, faitte par les habitants de Trévoux au nom des souverains de Dombes, sans opposition de la part du Roy de France.
Les habitants se retiraient en grande réjouissance et il y avait des festes publiques et particulières comme si l'on eut remporté une grande victoire. Cette feste coustait une centaine d'escus aux consuls qui étaient dans l'usage de charger les jeunes garçons de faire les fêtes publiques et pour cela leur abandonnaient cent livres que le souverain donnait annuellement à titre de gratification pour contribuer aux frais de ces fêtes. C'était une charge du bail général du domaine de Dombes.
Les garçons avaient en outre le droit de prendre le proffit des jeux de quilles dans la banlieus de Trévoux pendant la huitaine, soit qu'ils fussent établis, dans les places publiques, soit qu'ils fussent établis dans les jardins des particuliers et ce n'est qu'à cette condition que les jeux de quilles étaient tollérés pendant le courant de l'année.
Les garçons avaient encore le privilège de tirer le prix de location de plusieurs baraques en toille et planches que l'on est en usage de faire pendant cette huitaine, sur la place qui est au devant du palais et sur la terrasse au promenoir public qui est vis-à-vis et n'en est séparé que par le grand chemin.
Lors de la réunion de la principauté au royaume, la cérémonie sur la Saônne a cessé étant devenue inutile, mais les festes et réjouissances publiques ont continué. On a laissé cela au peuple pour le consoller des impôts qu'il ne connaissait pas."
Notes
(1) "Lettres patentes de François Ier, Roy de France, portant établissement et création d'un Conseil de Dombes, en souverain et dernier ressort, au lieu de la Chambre que les ducs de Bourbonnois, souverains du dit pays, avoient en la ville de Moulins, où ils faisoient leur résidence", dans J. Dupond, Le Parlement et l'ancienne justice de Dombes, Trévoux, 1949, p. 163.
(2) J. Dupond, Le Parlement et l'ancienne justice de Dombes, Trévoux, 1949, 27. D'après Guichenon.
(3) Vauzelles (Mathieu de). Traicté des péages, […]Oultre y sont adjoustées les lettres de Edit du Roy et commission à Messieurs du Parlement de Dombes séant à Lyon, sur la réformation des péages ... Lyon, Jean de Tournes, 1550, VII-208 p.
(4) J. Dupond, op. cit., p. 167-169.
(5) Assier de Valenches (P. d'). Mémorial de Dombes en tout ce qui concerne cette ancienne souveraineté, son histoire, ses princes, son Parlement et ses membres, avec liste nominative, un armorial et pièces justificatives, 1523-1771. Lyon, Perrin, 1854, p..297.
(6) 4. J. Dupond, op. cit., p. 170-173.
(7) L'acte de restitution de la Dombes par François II à Louis de Bourbon, se trouve transcrit dans d'Assier de Valenches, op. cit., p. 297-309
(8) Edit et Ordonnance de Louis de Bourbon, Duc de Montpensier, Pair de France, Souverain de Dombes, adressez au Parlement dudit pays, portant plusieurs règlemens pour l'administration de la justice et autres, Champigny, 15 septembre 1561, dans d'Assier de Valenches, op. cit., p. 310-316, et J. Dupond, op. cit., p. 176-203.
(9) Lyon, Jean de Tournes, 1583, 174 p. (Bibl. mun. Lyon, A 493862).
(10) Lettre missive du Souverain de Dombes à la Cour du Parlement de Dombes, au sujet des grands jours tenus à Trévoux, 9 janvier 1584, dans Bibliotheca Dumbensis, I, Trévoux, 1854-1885, p. 493.
(11) Harangue prononcée par Balthazar de Villars, premier président du Parlement de Dombes, à l'ouverture des grands jours de Dombes, en 1602, dans Bibliotheca Dumbensis, I, Trévoux, 1854-1885, p. 500-503.
(12) Règlement général fait au nom de Marie de Montpensier, pour l'administration de Dombes, à son avènement à la souveraineté de ce pays (5 juin 1610), dans Bibliotheca Dumbensis, I, Trévoux, 1854-1885, p. 510-516.
(13) Voir plus bas la sous-série 44 B consacrée aux archives du bailliage de Thoissey.
(14) Voir plus bas, le fonds du don gratuit et des tailles de Dombes.
(15) Verbaux des limites de Dombes et de Bresse, faites en l'année mil six cent douze, dans Bibliotheca Dumbensis, I, Trévoux, 1854-1885, p. 517-527.
(16) Articles concernant plusieurs affaires de la souveraineté de Dombes, avec les réponses de M. Cachet (1699), dans Bibliotheca Dumbensis, I, Trévoux, 1854-1885, p. 635.
(17) Déclaration enjoignant aux seigneurs et à toutes personnes de ne rendre la justice qu'en exécution d'un droit concédé par la souveraine de Dombes ou ses prédécesseurs, dans un territoire limité (8 mai 1624), dans Bibliotheca Dumbensis, I, Trévoux, 1854-1885, p. 510-511, d'après L. Aubret.
(18) Relation faite par Anne-Marie-Louise d'Orléans, duchesse de Montpensier, de son voyage à Trévoux, en 1658, extrait des Mémoires de Mademoiselle de Montpensier, Amsterdam, 1746, 4, p. 305 et sq., transcrit dans Bibliotheca Dumbensis, I, Trévoux, 1854-1885, p. 557-560.
(19) J. Dupond, op. cit., p. 66.
(20) Origine et preuves de la Souveraineté de Dombes, manuscrit de Louis Aubret, conservé à la Bibliothèque de Trévoux, et transcrit dans Bibliotheca Dumbensis, I, Trévoux, 1854-1885, p. 658-679 ; voir aussi .J. Dupond, op. cit., p. 67.
(21) Contrat de donation et lettres patentes passées par Mademoiselle d'Orléans, souveraine de Dombes, duchesse de Montpensier, de Saint-Fargeau et Chastelleraut, au profit de Monseigneur Louis-Auguste de Bourbon, Duc du Maine, de la souveraineté de Dombes (2 février 1681), dans Bibliotheca Dumbensis, I, Trévoux, 1854-1885, p. 563-565.
(22) .J. Dupond, op. cit., p. 74.
(23) Lettre de cachet de S.A.S. qui transfère son parlement de Dombes, séant à Lyon, à Trévoux, pour y administrer la justice à ses sujets (12 décembre 1696), dans Bibliotheca Dumbensis, I, Trévoux, 1854-1885, p. 607-608.
(24) Pour la description de la salle d'audience, voir : La salle d'audience du Parlement. Description des bas-reliefs, camayeux, symboles allégoriques aux sujets de la guerre, de la paix et de la justice, et autres ornements qui sont peints aux poutres et soliveaux du plancher de la salle d'audience du palais de Trévoux, faite en 1698, dans J. Dupond, op. cit., p. 204-208. L'artiste était P.-P. Sevin.
(25) Arret du Conseil souverain du 4 septembre 1697 dans Bibliotheca Dumbensis, I, p. 614.
(26) Arrêt de règlement pour la Chambre des Vacations (janvier 1699), Lettres de S.A.S. enjoignant itérativement aux membres du Parlement d'habiter Trévoux (31 juillet, 1699), etc., dans Bibliotheca Dumbensis, I, 621-624 et sq.
(27) Edit portant suppression du bailliage et gabelles de Dombes, et portant création en la ville de Trévoux d'une chambre des requêtes unie au Parlement (septembre 1698), dans Bibliotheca Dumbensis, I, 609-612.
(28) .J. Dupond, op. cit., p. 80.
(29) Voir ci-dessus, note 24.
(30) Pour ces ouvrages, voir la bibliographie en fin de chapitre.
(31) .J. Dupond, op. cit., p. 90.
(32) Voir le chapitre Imprimerie à Trévoux, dans Bibliotheca Dumbensis, I, p. 679-706.
(33) Sur le travail de l'or à Trévoux, voir : Gisèle Godefroy, Les orfèvres de Lyon (1306-1791) et de Trévoux (1700-1786), Paris, Picard, 1965, 345 p., pl. et Bruno Benoît, L'or de la Dombes, les tireurs d'or au XVIIIe siècle, Trévoux, 1983, 124 p., ill.
(34) J. Dupond, op. cit., p. 109.
(35) Ibid., p. 113.
(36) Contrat d'échange entre le Roi et S.A.S. Monseigneur le Comte d'Eu, dans Bibliotheca Dumbensis, I, p. 739-741.
(37) J. Dupond, op. cit., p. 121.
(38) Edit du Roy portant suppression du Parlement de Dombes, octobre 1771, transcrit dans J. Dupond, op. cit., p. 214-216.
(39) Pour tous les actes officiels de cette période, voir les recueils des édits et déclarations du roi.
(40) 1787, Arch. dép. Ain, C 517
(41) J. Dupond, op. cit., p. 147.
(42) J.-B. Denisart. Collection de décisions nouvelles […]. 7e édition, Paris, 1771, tome II, p. 161-162.
(43) Arch. dép. Ain, C 517.