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Archives de la Révolution (L)

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Présentation des notices

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    • La Révolution dans l'Ain (1787-1800)
      Présentation du producteur :

      Si la Révolution française commence avec le 14 juillet 1789, ses racines remontent aux années 1786-1787.

      La décennie révolutionnaire marque un changement fondamental de la société française. En effet, par une secousse violente et passionnée, les structures sociales administratives, politiques et financières dans lesquelles vivaient les Français d'ancien régime changent et la France entre dans l'ère moderne. Les Français passent, par leur volonté, d'une société d'ordres où certaines fonctions étaient réservées à ceux qui avaient la chance d'appartenir, par leur naissance, au monde des privilégiés, à une société caractérisée par l'égalité civile où, désormais, la valeur individuelle et le mérite permettent d'accéder à toutes les places, même les plus élevées.

      L'histoire de la révolution dans l'Ain, tout en suivant le cheminement national, connaît un déroulement propre que lui donnent les événements locaux, eux-mêmes découlant de l'action de personnalités locales.


      • Prémices à la grande Révolution (1787-1789)
        Présentation du producteur :

        A la veille de la Révolution, les pays qui seront regroupés en janvier 1790 dans le département de l'Ain forment trois provinces (Pays de Gex, Bugey, Bresse à laquelle la Dombes a été unie en 1781). Ces trois provinces sont comprises dans la généralité ou intendance de Bourgogne. A la fin de l'ancien régime, cinq subdélégués aident l'intendant de Bourgogne, Amelot de Chaillou, à administrer ces pays : Thomas Riboud à la tête de la subdélégation de Bourg, Janet à Trévoux, Fabry à Gex, Prost à Nantua et Genin de Montègre à Belley. La situation administrative de notre région depuis son entrée dans le royaume en 1601 est originale car les pays de l'Ain sont à la fois des pays d'élection - les élus de Bourg et de Belley répartissent la taille entre les communautés - et des pays ayant conservé leurs Etats provinciaux. Dans la province de Bresse et Dombes par exemple, les représentants des trois ordres se réunissent régulièrement à l'hôtel de la province situé à Bourg pour s'occuper des affaires particulières de leur corps et des affaires générales de la province (construction de routes, etc).

        Durant la deuxième moitié du XVIIIe siècle, la majorité des ruraux de l'Ain, subissent des prélèvements seigneuriaux accrus imposés par une partie de la classe dirigeante et minoritaire. Cette " aggravation des charges seigneuriales " baptisée par les historiens " réaction seigneuriale " prend un aspect financier, mais aussi humain. En effet, les redevances seigneuriales sont d'ordre pécuniaire, mais aussi matériel . Les seigneurs (propriétaires de terres, laïcs ou non) font rénover leurs terriers par des commissaires feudistes et ainsi réclament le paiement de droits oubliés. Cette réaction n'est pas appréciée des paysans dépendant des seigneurs, qui voient, en Dombes et dans le Bugey, leurs revenus baisser.

        Les aléas climatiques aggravent en cette fin de XVIIIe siècle la situation du petit peuple des campagnes. En effet, les hivers de 1784 et 1785 sont rudes, ce qui entraîne une hausse du prix des céréales nourricières entre 1779 et 1783 . Mais l'hiver de 1788-1789 l'est particulièrement. Le froid intense provoque la mort de nombreux poissons dans les étangs dombistes, détruit en partie le vignoble bugiste, et interrompt l'activité des moulins sur les rivières gelées. Comme les récoltes céréalières de 1788 étaient inférieures à la normale, la soudure est difficile au printemps 1789. Le prix des grains s'élève, la disette guette une population rurale financièrement affaiblie, en frappant particulièrement les journaliers, sorte de quart-état des campagnes vivant dans des conditions très précaires. La situation est aggravée par la crise de la soierie lyonnaise (due à la mort en grand nombre des vers à soie à cause du mauvais temps) qui jette sur les routes de nombreux manoeuvres qui se répandent dans les régions productrices de céréales pour mendier. La pauvreté grandissante, la cherté de la vie, la menace de disette et l'accroissement des redevances seigneuriales, ne peuvent que pousser les habitants des campagnes à un mouvement de masse, dont le succès de Mandrin quelques années auparavant peut servir d'exemple.

        Dans les villes, les prémices de la Révolution sont tout autres. La bourgeoisie (part de la population urbaine de condition roturière, mais qui socialement et financièrement se rapproche du mode de vie noble, essentiellement composée de gens de robe et de marchands) entend accéder aux places lucratives et honorifiques jusque-là détenues exclusivement par la noblesse. Cette dernière se voit en effet confier toutes les charges intéressantes, cantonnant à de petites fonctions une bourgeoisie dont les ambitions sont grandissantes. Ainsi dans les pays de l'Ain, à la veille de la révolution, les valeurs du sang priment sur celles du mérite et la bourgeoisie, qui a compris ceci, cherche néanmoins à s'imposer sur le devant de la scène publique. Elle s'oppose à la noblesse qui se retrouve toute puissante sur le plan politique national grâce à la mainmise sur les parlements et à l'édit de Ségur de 1781 qui consacre sa supériorité sociale .

        Cette bourgeoisie, avide de reconnaissance sociale, occupe, à la veille de 1789, des fonctions juridiques importantes dans les tribunaux locaux. Certains bourgeois ont acheté des offices de procureur du Roi ou de conseiller aux bailliages de Bourg, de Belley, de Gex ou à la sénéchaussée de Trévoux et de nombreux avocats défendent les affaires de leurs clients devant ces tribunaux. Les polémiques entre les représentants de ces deux classes dominantes sont très vives dans les années 1787-1788 ; ainsi la constitution du grand bailliage de Bourg (créé en mai 1788 et constitué de bourgeois) provoque une réaction du Parlement de Dijon et de la noblesse qui se voit flouée de ses droits. Cette dissension au sein de l'élite bressane pousse la noblesse de Bresse à condamner la réforme entreprise par Lamoignon le 19 juin 1788, alors que le Tiers-État soutient le garde des sceaux. Les manoeuvres de la noblesse sont si puissantes que le grand bailliage est supprimé en septembre 1788 et que les réformes judiciaires entreprises par Lamoignon sont abandonnées. Pendant l'été et l'automne 1788, les avocats bressans interviennent dans le débat public : Gauthier des Orcières et Duhamel publient plusieurs brochures dans lesquelles ils dénoncent les prétentions du parlement de Dijon, dénoncent les privilèges fiscaux de la noblesse de Bresse et critiquent la manière dont les représentants officiels du tiers gèrent les affaires de leur ordre .

        Mais la grande majorité des habitants des villes, en cette fin de XVIIIe siècle, n'est pas composée uniquement de bourgeois à la recherche d'élévation sociale. On y trouve en grand nombre des artisans, des boutiquiers, des domestiques et des ouvriers. Ces derniers en général voient d'un oeil plutôt indifférent les querelles entre bourgeois et nobles. Pour eux, seul importe le bien-être de leur famille et le pain quotidien.

        La convocation des états généraux soulève une vague d'enthousiasme dans le Tiers-État, et " satisfait plutôt les esprits éclairés " dans les pays de l'Ain. Toutes les portions de la nation se sentent concernées par cet événement . Les assemblées des communautés se tiennent du 8 au 18 mars 1789, celles des bailliages débutent le 16 mars 1789 à Belley et à Gex et le 23 mars 1789 à Bourg et à Trévoux. Dans la capitale de la Bresse, les trois ordres se mettent d'accord - cas semble-t-il unique en France - pour rédiger un cahier commun . Ce cahier unique prend pour base les doléances du tiers qui apparaissent dans la première colonne, les remarques du clergé et de la noblesse sur les propositions du troisième ordre apparaissant dans les deux autres colonnes du cahier. Pour les autres bailliages, les cahiers sont rédigés de façon traditionnelle, chaque ordre rédigeant le sien propre. Dans ces cahiers, " sont (...) balayées (...) les doléances réelles des gens de métiers, corporations (et) à plus forte raison des ruraux " . La noblesse veut conserver un pouvoir royal fort tandis que le tiers n'accorde au roi que le pouvoir exécutif. La centralisation monarchique est souvent critiquée et le souhait " d'une nouvelle organisation administrative plus décentralisée " apparaît dans plusieurs cahiers.

        Le petit peuple des villes et des campagnes a eu du mal à faire entendre sa voix dans les cahiers de doléances. Ce n'est pas le cas de la bourgeoisie qui a pu dénoncer avec vigueur les privilèges aristocratiques.


      • La Révolution bourgeoise (1789-1791)
        Présentation du producteur :

        Les vingt députés envoyés aux états généraux sont à l'image de la politique et du système social dans l'Ain. On ne retrouve en effet parmi eux, outre bien sûr des représentants de la noblesse et du clergé, que des élus de la bourgeoisie comme les avocats Gauthier des Orcières, Populus, Brillat-Savarin ; aucun agriculteur, aucun artisan n'a été élu pour représenter le tiers-état.

        Les premiers événements révolutionnaires entraînent à Bourg un bouleversement politique auquel le peuple ne prend pas une grande part. La municipalité composée jusque-là de sept membres élus par un collège de vingt-trois personnes, est restructurée le 16 juillet 1789. Désormais sont admis deux représentants de chaque compagnie, corps et communauté ainsi que quatre notables. Une correspondance est ouverte avec la capitale et les principales villes de provinces.

        A l'annonce de la prise de la Bastille, le peuple des campagnes s'attaque à son tour aux bastilles locales. Le 19 juillet, la Grande Peur touche la ville de Bourg, quand les habitants apprennent qu'une troupe armée approche. Dans les campagnes, l'annonce de la prise de la Bastille et la Grande Peur déclenchent dans la paysannerie des pays de l'Ain une émotion sans précédent. Le peuple des campagnes s'attaque, dès le 20 juillet 1789, à certains châteaux, les terriers sont brûlés et l'on pille des caves et plusieurs presbytères campagnards.

        Ce mouvement populaire incompris de la nouvelle élite, pousse majoritairement cette dernière à éviter tout compromis politique avec cette force brutale et violente. Entre 1789 et 1790, l'aristocratie d'Ancien Régime se retrouve balayée par une bourgeoisie conquérante entraînant avec elle une noblesse éclairée, et, comme dans les gardes nationales de l'Ain ou les administrations, le peuple issu de l'artisanat ou de la petite paysannerie est tenu écarté du pouvoir. C'est la grande victoire de la bourgeoisie bressane, bugiste et gessienne.

        C'est le 25 janvier 1790, que le département de l'Ain est constitué. Cette réunion de " pays " ne se fait pas sans difficultés en raison des clivages et des inimitiés des anciennes provinces . Bourg devient, ce 25 janvier 1790, le chef-lieu du nouveau département.

        En 1790, les nouvelles municipalités sont souvent plus patriotes que les autres administrations. C'est à ce moment que se mettent en place les premières sociétés populaires qui n'ont pas d'organisation précise.

        En juillet 1790, la constitution civile du clergé est assez bien accueillie dans le département. Elle restructure le clergé français et place le personnel religieux au même rang que des fonctionnaires d'Etat. Les vicaires, curés et évêques sont élus par les citoyens. Si le clergé du département de l'Ain se montre en majorité favorable à la constitution civile, il arrive que les prêtres jureurs soient parfois rejetés par certaines de leurs ouailles et en particulier par un grand nombre de femmes qui restent fidèles à leurs prêtres réfractaires . Pour les patriotes du département de l'Ain, seule l'éducation est un moyen de faire reculer le fanatisme religieux et imposer le respect des lois.

        L'été 1791 constitue un tournant important dans l'histoire de la Révolution dans l'Ain. La création en masse des sociétés populaires à partir de 1791 et la diffusion de plus en plus large de la presse d'opinion engagée au profit du parti patriote, mènent à la politisation progressive des foules. Au mois de juin 1791, quand l'Assemblée Constituante décide de se séparer, " La Révolution est faite " pour la plupart des membres de la société populaire de Bourg et pour la bourgeoisie de l'Ain. Cette dernière a atteint ses buts, elle est désormais sur un pied d'égalité avec la noblesse. Mais la fuite du roi le 21 juin 1791 et la théorie de l'enlèvement, prônée par le président de l'Assemblée et Lafayette, ne dupent qu'un temps les patriotes de l'Ain pour qui l'image du roi est fortement atteinte . La fuite du roi atterre dans l'Ain le parti monarchiste (jusque-là peu actif) et remet surtout en cause la fin de la Révolution dont rêvaient déjà certains citoyens. Dès cette époque et sans doute sous l'influence des patriotes les plus avancés , la société populaire de Bourg, phare politique du département, déclare " la patrie en danger " et annonce : " Vivre libres ou mourir! Voilà notre devise. Nous l'avons juré, et le Français s'ensevelira sous les ruines de sa patrie [plutôt] que de consentir jamais à la résurrection de l'ancien régime " . Dès lors, des patriotes issus de la bourgeoisie et élus aux fonctions administratives en septembre 1791, cherchent à ouvrir le débat politique au peuple, sur lequel ils peuvent s'appuyer. Pour les Jacobins et patriotes de l'Ain, la monarchie s'est détruite d'elle-même avec la fuite d'un roi jouant sa carte politique contre son peuple et son pays


      • La Révolution républicaine (1792)
        Présentation du producteur :

        Avec le début de la guerre, l'Ain (département frontalier à la position éminemment stratégique), devient un lieu de passage pour les troupes qui partent vers les frontières. Cette région est une aussi place militaire importante avec les forts de Pierre-Châtel et de l'Ecluse. A l'automne 1791, des renforts du Rhône-et-Loire et du Puy-de-Dôme stationnent vers Belley, dans le Valromey, à Nantua, Pont-d'Ain et Cerdon. En février 1792, trois bataillons de volontaires sont formés dans le département. C'est à cette date que Joubert part pour les bataillons de grenadiers et que le futur général Armand s'engage lui aussi.

        Le début de la guerre marque aussi celui des réquisitions de vivres dans le département. Durant toute la Révolution, la restriction de nourriture est permanente. L'Ain, département frontière et pays de cocagne, sert de grenier d'abondance aux armées sur les frontières, mais aussi aux grandes villes du pays. Cette crise de subsistances pousse certains des habitants à stocker des denrées ou à les vendre à un prix fort. Ces spéculations entraînent de la part des autorités constituées des réactions terribles et de la part du peuple des agitations.

        La guerre et les problèmes de ravitaillement aidant, le petit peuple de l'Ain commence rapidement à exprimer des revendications et à se faire entendre. La politisation des foules s'accélère dès le début de 1792 avec les préparatifs de la guerre. Les discours des patriotes sur le recrutement et l'armement des volontaires partant pour les armées durant l'été 1792 renforcent le pouvoir insurrectionnel des masses populaires.

        La décennie révolutionnaire marque aussi le début d'une presse nouvelle grâce à l'intérêt grandissant des Français pour la lecture des journaux. En effet, aux gazettes de l'ancien régime succède rapidement une presse à deux visages ; d'une part des journaux héritiers directs des gazettes, qui ont pour rôle de donner des informations venant de l'Europe entière et d'autre part, une presse politique qui cherche à diffuser des idées et des mots d'ordre auprès du peuple français. Celui-ci apprend, avec la Révolution, à tenir un rôle dans la vie politique, rôle jusque-là réservé à une élite aristocratique (haute noblesse, clergé et haute bourgeoisie) qui gardait pour elle le privilège de s'intéresser aux destinées du pays. L'idée de Nation, dès 1789, pousse donc les Français à prendre une part active dans la vie politique du pays . Dans le département de l'Ain, la presse patriote est disponible dès 1789 et s'adresse non pas seulement à une partie instruite de la population, mais bien à son ensemble, cherchant même à viser les ouvriers, journaliers et autres futurs citoyens de la base qui composent le Tiers Etat. En effet, les feuilles de cette presse patriote, " imprimées hâtivement à Paris, à Lyon ou à Bourg, contenant le récit souvent déformé des événements survenus à Paris et à Versailles " , se trouvent en vente dans les foires et les marchés de toutes les bourgades du futur département de l'Ain. La presse patriote vise une certaine élite roturière instruite des campagnes, représentée par exemple par le valromeysan Claude-Antoine Bellod, et des milieux populaires urbains, élite qui mobiliserait, par la lecture publique et la diffusion d'idées lors de débats, la masse des citoyens analphabètes. Cette presse peut être vendue par des colporteurs au même titre que les almanachs. A cette époque, le département de l'Ain ne possède pas de libraires reconnus comme revendeurs de feuilles périodiques . Imitant sans doute l'exemple de la ville de Lyon où la presse locale connaît un grand essor, les patriotes de l'Ain ont créé leur journal en 1792, le Journal du département de l'Ain, sous la forme d'une feuille imprimée ou d'une brochure de format in 8° paraissant le vendredi. Son existence fut d'environ 6 mois. On peut supposer qu'il parut de février à septembre 1792.

        L'attaque des Tuileries à Paris, du 20 juin 1792, est connue dans l'Ain le 24. Le jour même, à la société populaire de Bourg, le citoyen Jean-Antoine de Rostaing fait un violent discours anti-monarchiste, à la suite duquel la société demande, au nom des citoyens de la ville, que la Constitution soit modifiée et qu'une nouvelle Convention soit réunie dans ce but . Un cap idéologique est franchi. La fuite du roi, la guerre et le droit de veto " devenu dans ses mains un moyen de paralyser la volonté nationale souveraine " , poussent les patriotes les plus avancés à vouloir une nouvelle constitution et une assemblée qui ne soit pas là pour légiférer en s'appuyant sur l'ancienne constitution. En juillet 1792, les administrations sont aux mains de patriotes issus de la bourgeoisie urbaine et éclairée, dont la grande majorité tient le peuple écarté de la vie politique. Seuls quelques citoyens, dans certaines sociétés populaires du département, ouvrent ces dernières au public . Le petit peuple des villes et des campagnes commence à faire son entrée sur la scène politique locale. Dès lors le département, sous l'influence des idées avancées des jacobins bressans et belleysans suit le cheminement révolutionnaire national et, par certaines actions, l'anticipe quelque peu. En effet, le 13 juillet 1792, les citoyens Rostaing et Blanc-Désisles, dans un discours à la société populaire de Bourg, demandent la suppression de la monarchie. Après la chute de celle-ci, en août 1792, qui laisse indifférente la population de l'Ain, émerge une nouvelle classe d'hommes politiques issus de la masse populaire et laborieuse, favorables à des orientations politiques plus révolutionnaires et plus égalitaires. Soutenus par des sociétés populaires dont ils sont les orateurs, ils se trouvent élus aux fonctions administratives locales lors du scrutin de septembre 1792. Désormais incontournables dans le climat politique du département, ces plébéiens côtoient les bourgeois républicains en place depuis 1790. Cette révolution de l'été 1792 marque l'arrivée au pouvoir d'hommes issus d'une bourgeoisie urbaine républicaine, socialement très variée où se côtoient avocats et artisans, et s'accompagne de la mise à l'écart des révolutionnaires éclairés et modérés de 1790, tels Riboud, Brillat-Savarin ou Girod. Elle marque aussi la défiance du peuple envers la noblesse et le clergé qui sont écartés eux aussi de la scène politique départementale : désormais, le peuple gouverne le peuple, et pour cela, les patriotes de 1792 essayent d'intéresser les petites gens du département à la politique, en leur ouvrant largement les sociétés populaires


      • La Révolution populaire (1793-1794)
        Présentation du producteur :

        A partir de l'hiver 1792-1793, le rôle politique des masses populaires est de plus en plus important. La bourgeoisie, encore maîtresse en septembre 1792, se trouve vite bousculée par les discours et les attentes du peuple, qu'expriment souvent avec virulence ses orateurs. L'exécution de Louis XVI, le 21 janvier 1793, n'émeut guère les habitants de l'Ain, pour qui les temps sont durs. En effet, la guerre et ses réquisitions privent les marchés de ravitaillement, de plus les dissensions entre patriotes modérés (issus de la bourgeoisie) et sans-culottes, perturbent le climat politique départemental. Très rapidement, dès mars 1793, à la suite des événements vendéens et des défaites militaires, la chasse aux suspects s'organise et une politique mobilisant toutes les forces du pays pour la victoire se met en place dans l'Ain, conduite par les municipalités sous la houlette des premiers représentants du peuple Amar et Merlino. Si l'objectif " Vaincre ou mourir " ne divise pas les patriotes, la politique de répression crée deux clans : d'une part les partisans d'une république modérée (issus de cette bourgeoisie urbaine qui a vaincu les monarchistes en 1792) et d'autre part ceux qui souhaitent la création d'une république épurée voire égalitaire (issus majoritairement du peuple, mais aussi de la bourgeoisie).

        La crise fédéraliste de juillet 1793, à Bourg et à Belley, constitue un coup de force de la part des modérés qui évincent les sans-culottes des fonctions administratives. Mais ces derniers, à force de réclamations auprès des députés à Paris et des représentants en mission, retrouvent leur place en septembre 1793 avec la ferme intention de se venger de leurs détracteurs. Dès lors, se met en place dans l'Ain une politique sociale et économique plus populiste et démocrate, à l'image de celle mise en place à Lyon. Les sans-culottes sont partisans d'une implication directe des citoyens dans la vie politique nationale par la biais des sociétés populaires. Pour cela, ils s'appuient sur le peuple, mais aussi sur l'autorité des différents représentants du peuple en mission qui séjournent dans l'Ain, Bassal, Bernard, Javogues, Gouly, Albitte et Méaulle. Ces derniers, qui agissent plus ou moins suivant les directives des révolutionnaires locaux, instituent dans le département le Gouvernement Révolutionnaire qui porte tous ses efforts pour une victoire des armées françaises sur la frontière savoyarde. A ce titre, ils réquisitionnent les cloches des églises du département afin de pourvoir en bronze la fonderie de canons de Pont-de-Vaux ; ils mettent également en place une politique de révolution sociale profonde qui doit faire table rase du passé en inaugurant une ère humaine nouvelle qui doit voir l'avènement de la liberté, mais aussi de l'égalité sociale


      • La Réaction (1794-1796)
        Présentation du producteur :

        Dès le printemps 1794, la réaction bourgeoise se fait sentir dans l'Ain, par le soutien qu'apportent certains députés, Gauthier des Orcières, Deydier et Ferrand, à leurs amis brimés par les sans-culottes. Avec la chute d'Hébert à Paris tombent les municipalités les plus ultra révolutionnaires du département. Les attaques trop virulentes des sans-culottes de Bourg et de Belley vis-à-vis d'une partie de l'assemblée nationale valent à ces derniers d'être arrêtés en mars 1794 et de voir leurs ennemis politiques revenir au pouvoir. Cette réaction thermidorienne, soutenue par le parti royaliste lyonnais, se solde dans l'Ain par l'assassinat de huit sans-culottes durant l'été 1795. Dès lors, la Révolution dans l'Ain, à l'image de la Révolution en France, va suivre un cours moins agité. A la terreur succède une période difficile pour le département. A l'automne 1794, les réquisitions de subsistances ont du mal à se faire dans un département qui se situe à l'arrière de l'armée des Alpes. Les responsables administratifs dénoncent le trafic de grains avec la Suisse, par le Rhône, et les exportations illégales qui sabotent l'approvisionnement de Lyon et de l'armée. Mais pour les populations civiles, la rétention de grains est une mesure de survie en ces temps où les réquisitions sont permanentes et où il devient souvent bien difficile de nourrir sa famille. Pour certains cultivateurs et propriétaires, l'exportation et la vente de grains sur d'autres marchés sont une forme de revenu supplémentaire. Devant l'inertie des districts du sud du département, les représentants du peuple à Lyon utilisent l'armée comme un moyen de pression sur les populations afin qu'elles obéissent à leurs arrêtés. Avec l'éloignement du front dans les plaines d'Italie, les problèmes de subsistances cessent.


      • Le Directoire (1796-1799)
        Présentation du producteur :

        Avec la mise en place de la Constitution de l'an III, la bourgeoisie des villes de l'Ain accède aux postes administratifs et essaye de faire régner un ordre républicain, qui, en fait, masque de graves problèmes sociaux et politiques. Durant les soixante-deux mois que dure le Directoire, le tribunal criminel de l'Ain juge cent quatre-vingt-douze affaires de vols, quatorze de coups et blessures et, plus gravement, quatre-vingt-une affaires d'assassinat, soit deux fois plus que sous la Convention. Les auteurs de ces délits ou de ces crimes sont des brigands appelés plus au sud des " chauffeurs ". Dès le commencement du Directoire, avec la relâche politique, les bandes organisées en provenance de Lyon envahissent le sud et l'ouest du département de l'Ain où elles s'attaquent aux voyageurs, aux malles-poste et aux diligences. La mise en place de la conscription pousse à la révolte armée une bonne part des réfractaires. En Bresse, des bandes de déserteurs terrorisent le nord-ouest du département, faisant de cette portion du territoire une zone de non droit où la gendarmerie ne va plus. Ce climat d'insécurité va de pair avec une recrudescence des activités royalistes à Bourg et dans le pays de Gex. Les municipalités de cantons, remplaçant les communes, n'arrivent pas à imposer l'application des lois. De plus, la récolte en l'an VII est de 30 à 40% inférieure à la moyenne : l'hiver a été long et rigoureux, des périodes de gels et de dégels suivies de pluies ont gâté sur place les seigles et les méteils. Après une période de baisse des prix due à une succession de bonnes récoltes depuis 1795, la mauvaise récolte, à laquelle s'ajoute la crise monétaire (baisse de la valeur des assignats), provoquent, en l'an VII, une inflation des prix des denrées, poussant de nouveau les administrations à employer l'armée pour obtenir des réquisitions de grains. Parallèlement, avec le recul des armées françaises en Italie, le département de l'Ain redevient la base arrière militaire qu'il avait été en 1794-95. Certaines communes deviennent de véritables garnisons, les mouvements des troupes ne cessent pas. Si, en France, le coup d'état du 18 brumaire met un terme à la révolution politique, le nouveau régime qui en est issu, le Consulat, va permettre au habitants de l'Ain de retrouver la sécurité de leurs personnes et de leurs biens et va redistribuer les cartes politiques entre anciens thermidoriens, anciens sans-culottes et anciens nobles. Le Consulat marque, dans le département de l'Ain, le début d'une accalmie politique et sociale et son entrée dans la modernité administrative avec l'arrivée, en mars 1800, du premier préfet de l'Ain, Jean-Antoine Ozun.